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société de psychologie physiologique

se mit de suite à la fenêtre pour me voir sortir, elle ne m’aperçut pas. Elle remarqua aussi, ce qui ne laissa pas de l’étonner à cette époque de l’année, que j’avais un habillement d’été (c’était celui-là même que je portais le jour où je lui avais fait la suggestion).

On eut beau lui faire observer que j’étais à Paris à cette date et que je ne pouvais avoir été chez elle le 1er janvier, elle persista à soutenir qu’elle m’avait vu, et aujourd’hui encore, malgré mes affirmations, elle est convaincue que je me suis présenté chez elle.

Ainsi, après 172 jours d’intervalle, la suggestion que j’avais faite s’est réalisée dans ses plus petits détails. Pour ma part, je ne mets pas en doute que les suggestions ne puissent réussir après un temps beaucoup plus long et peut-être même après plusieurs années.


DES RAPPORTS DE L’HALLUCINATION AVEC L’ÉTAT MENTAL.

Note de M. Charles Richet.

On trouve depuis quelque temps dans quelques journaux américains, anglais et russes des récits d’une fantaisie tout à fait extraordinaire sur les apparitions, les fantômes, les revenants. Ces histoires sont racontées avec un grand luxe de détails, et il ne paraîtra pas déplacé ici d’en prendre quelque souci.

Trois hypothèses se présentent, et nous ne voyons guère qu’on puisse en formuler d’autres. On peut supposer : 1o que ce sont des récits mensongers ; 2o qu’il s’agit d’apparitions véritables ; 3o qu’il s’agit d’hallucinations sans réalité objective.

La première hypothèse est la plus simple ; mais elle n’est guère admissible. Je me refuse à admettre que des personnes distinguées, occupant une situation scientifique et sociale tout à fait supérieure, d’une moralité qui paraît en dehors de tout soupçon, se soient concertées de toutes parts pour raconter des faits mensongers et débiter avec assurance des impostures sans aucun profit. Les nombreux récits qui nous sont donnés viennent de divers côtés ; et il me semble absurde de ne les attribuer qu’à des fourbes ; peut-être s’en trouve t-il dans le nombre ; mais à, moins de tomber dans une évidente exagération de scepticisme, on ne peut supposer qu’il n’y ait là que des mensonges.

La seconde hypothèse est celle d’apparitions véritables, c’est-à-dire de fantômes existant réellement ; il s’agirait d’une forme quelconque de la matière, forme jusque à présent inconnue, et ayant une réalité objective. Mais, quoiqu’il soit nécessaire d’être toujours très prudent dans la négation, aucune démonstration vraiment scientifique n’a pu être donnée de cette réalité des apparitions. Il faudrait absolument constater une action sur les objets inanimés, par exemple une impression pho-