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de s’en convaincre en faisant quelques expériences très simples telles que celle de l’attitude cataleptique des membres ou des mouvements automatiques. Cet état ne se distingue en rien du sommeil hypnotique, sauf par l’ouverture des yeux.

L’état de fascination décrit par le Dr Brémaud (Société de biologie, 1883, séance du 27 octobre) me paraît se rapprocher beaucoup de ce sommeil somnambulique les yeux ouverts. Dans cet état, caractérisé entre autres choses par l’ouverture des paupières et la fixité du regard, le sujet, dit le Dr Brémaud « a quelquefois conscience de son état et entend confusément ce qui se dit autour de lui ». Il n’y a là, à mon sens, qu’une forme de somnambulisme provoqué, due très probablement à ce que le sujet n’est pas encore arrivé au sommeil profond.

L’état décrit par le Dr Liébault sous le nom de charme se rapproche un peu plus du phénomène que nous étudions ici. « Parmi les sujets que l’on veut endormir, dit-il dans son livre sur le sommeil (p. 32), on en trouve qui arrivent seulement dans un engourdissement très curieux et désigné sous le nom de charme ; ceux-ci pensent encore activement et ont une conscience assez nette du monde extérieur ; mais si on leur affirme par exemple l’impossibilité de parler, de faire certains mouvements, voire même de sentir, ou si on leur suggère l’idée d’actes absurdes, leur attention déjà sans ressort s’immobilise complètement sur les idées imposées, leur esprit les adopte et l’organisme obéit ; ce sont de vrais automates placés sur la limite de la veille et du sommeil. »

En résumé, il résulte des faits qui viennent d’être exposés qu’on peut déterminer chez certains sujets un état particulier qui n’est ni le sommeil hypnotique ni la veille. Cet état se distingue du sommeil hypnotique par plusieurs caractères ; le sujet est parfaitement éveillé, il a les yeux ouverts, il est en rapport avec le monde extérieur ; il se rappelle parfaitement tout ce qui se dit ou se fait autour de lui, tout ce qu’il a dit ou fait lui-même ; le souvenir n’est perdu que sur un point particulier, la suggestion qui vient de lui être faite ; c’est par là et par la docilité aux suggestions que cet état se rapproche du somnambulisme. Ces deux caractères sont du reste les seuls qui le distinguent de l’état de veille ordinaire. Le nom de condition prime que M. Liégeois propose de lui attribuer ne me satisfait pas beaucoup, car il n’indique rien qui rappelle les caractères distinctifs de cet état et je préférerais le nom de veille somnambulique, malgré la contradiction qui existe entre les deux termes[1].

  1. Les médecins emploient le terme coma vigil ; le mot somno-vigil a été aussi employé par quelques magnétiseurs.