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le sujet ne sait pas dessiner du tout, il peut être trop maladroit pour faire même le calque d’un dessin ; s’il sait dessiner au contraire, il pourra, et cela de très bonne foi, dessiner l’objet qui lui a été suggéré, non tel qu’il le voit en réalité, mais tel que son imagination le lui figure, autrement dit rectifier et préciser, grâce à son habitude du dessin, l’image vague que la suggestion lui fait apercevoir. J’ai fait quatre expériences dans ces conditions et j’en donnerai brièvement les résultats. La première a été faite sur Élisa F… ; c’est une paysanne assez fruste, très maladroite en fait de dessin et c’était probablement la première fois qu’elle se livrait à cet exercice. Je lui suggérai qu’elle verrait sur le papier un chien couché et qu’elle devait, à son réveil, en suivre tous les contours comme si elle calquait. Elle le fit avec beaucoup de peine et n’arriva qu’à produire un dessin informe dans lequel il eût été bien difficile de reconnaître un chien. La seconde expérience fût faite sur Mlle A… E… qui ne sait pas du tout dessiner ; je lui suggérai un polichinelle ; résultat à peu près nul. Dans un troisième essai avec Louise D…, les résultats furent un peu moins mauvais ; je lui avais suggéré un oiseau ; j’obtins un des sin très informe dans lequel cependant quelques traits rappelaient l’animal suggéré. Comme expérience de contrôle, je lui fis calquer un dessin représentant un chien, ce dont elle s’acquitta à peu près convenablement, puis je lui dis de dessiner d’idée et sans modèle un oiseau ; elle me fit un dessin très grossier, mais dans lequel on reconnaissait pourtant un oiseau et dont les proportions étaient assez bien gardées. Enfin le quatrième essai eut lieu avec Mme H… A…. Celle-ci n’a pas appris à dessiner, mais a assez de goût et des dispositions naturelles ; je lui suggérai un chien debout et de profil ; cette dernière fois, le résultat fut meilleur et j’obtins un animal un peu lourd de formes, mais pas trop mal exécuté. Mais la question est toujours de savoir si elle a réellement suivi les contours de l’image que je lui avais suggérée ou si, ayant dans l’esprit l’idée d’un chien, elle l’a dessiné simplement tel qu’elle le concevait sans le calquer fidèlement sur l’hallucination suggérée. Il est difficile de résoudre la question d’une façon définitive et il y aurait peut-être lieu de reprendre l’expérience dans différentes conditions. Mais ce qui me paraît en résulter jusqu’ici, c’est que l’hallucination suggérée n’a pas la réalité et la netteté d’une image objective et que l’imagination du sujet y joue très probablement un grand rôle. Je comparerais l’hallucination visuelle à la vue d’ensemble qu’on a d’une personne ou d’un objet sur lequel on jette un regard en passant ; on a l’impression de l’ensemble, mais les détails nous échappent.

Il est possible cependant que, par l’exercice, les hallucinations de