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CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

formule mathématique. Mais on peut indiquer des traits généraux d’une exactitude suffisante.

L’influence dynamique des sensations du goût surtout associées aux sensations de l’odorat sur lesquelles nous insisterons bientôt, peuvent servir à éclaircir un point de physiologie encore controversé. Il est un aliment, le bouillon, dont on conteste la valeur nutritive ; en s’appuyant sur l’analyse chimique, qui n’y trouve qu’une quantité insignifiante ou nulle de matériaux alimentaires ; il n’est guère défendu en somme que par des arguments moraux : on dit qu’il doit bien avoir une action puisque, sous son influence, on voit souvent un malade reprendre un instant d’énergie, et être capable momentanément d’un certain effort. Il est certain que les sensations gustatives et olfactives de cet aliment sont capables de déterminer momentanément une excitation des forces, surtout sur un sujet épuisé, car nous avons montré que dans les conditions d’épuisement les agents dynamogéniques ont une influence plus marquée. Le bouillon, comme excitant sensoriel, a une action dynamique, la fumée de tabac produit exactement le même effet chez certains individus. Cette action dynamique s’étend sans doute aux organes de la digestion et peut rendre compte de l’action eu peptique. Ces remarques s’accordent parfaitement avec la théorie des peptogènes de M. Schiff. Certains amers, considérés comme apéritifs, jouent au contraire un rôle suspensif à cause de l’excitation trop grande qu’ils exercent, soit par eux-mêmes, soit par les substances qui leur sont associées.

Notons à ce propos que le tabac à fumer, qui a une action complexe sur le goût et l’odorat, détermine une augmentation considérable de l’énergie, qui se traduit aussi bien sur l’intensité de l’effort brusque que sur la durée de l’effort continu. J’ai constaté par plusieurs procédés et chez plusieurs sujets que la durée de l’effort soutenu peut être plus que doublé sous l’influence du tabac à fumer (fig. 19). Dans certains cas particuliers l’effet est encore beaucoup plus intense. Les résultats très nets relatifs aux effets produits par ce genre d’excitation nous montrent que l’habitude de fumer, si elle est capable de déterminer des accidents ultérieurs, a au moins une utilité immédiate, en provoquant une excitation relativement considérable. Cette remarque peut vraisemblablement s’appliquer aux autres habitudes analogues, de priser, de mâcher du tabac ou du bétel, etc.

On pourrait dire peut-être d’une façon générale que le besoin de ces excitations sensorielles augmente à mesure que la race s’affaiblit ; et leur répétition amenant la fatigue contribue pour une large part à précipiter la dégénérescence.

D. Notre étude des sensations olfactives est moins avancée ; cependant nous avons pu établir une sorte d’échelle dynamogène des odeurs dans laquelle le musc paraît occuper la place la plus élevée.

Sans insister, nous dirons que chez des sujets normaux, on peut déceler cette influence des sensations olfactives d’une façon très carac-