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portant sur des objets qui avaient dû l’intéresser. « Tu t’es beaucoup amusé aux congés de Pâques ? — Oui, beaucoup. Je les ai passés à S… Grand-père ne nous fait pas souvent jouer. Il nous trouve bruyants. Grand’mère nous gronde, sans être bien fâchée. Nous nous amusons tout de même. Je passais trois ou quatre heures par jour sur la plage. Je pêchais. J’ai attrapé, un matin, une anguille longue comme le bras, mais pas fort grosse. Elle me glissa dans les doigts, et je la crus perdue. Mais, je soulevai un grand rond d’algues et de galets autour de l’endroit où elle s’était enfoncée, et je finis par la reprendre. Elle fit un bon petit plat, avec les autres petits poissons que j’avais pris, sans compter les crevettes. » C’était là ce que l’on appelle une association par contiguïté dans le temps et dans l’espace. J’entrepris l’enfant sur une association à peu près pareille. « La mer devait être belle, car je crois me souvenir qu’il faisait à Pâques un temps superbe. — Oui, pendant quelques jours. Le lundi et le mardi, il plut beaucoup. Le mercredi, un peu seulement le matin. Nous allâmes, le soir, nous promener au phare, et le lendemain au fort de H… Tu sais ? C’est là que tu ramassas un gros bouquet d’immortelles sauvages, et que tu riais de voir tant de petits escargots blancs par terre. J’ai failli y attraper un bien beau lézard vert. — Tu n’en avais pas peur ? — Oh ! je sais m’y prendre : l’autre année, à Luz, j’ai tué une petite vipère, tout seul, à grands coups de canne de filet. »

Vint ensuite une de ces suggestions ou associations dites par ressemblance. « Tiens, voilà, parmi les cailloux, un joli silex. J’ai vu une coupe de silex, aussi belle que du marbre. — Oh ! pourtant, me dit l’enfant, ce n’est pas du marbre. Les silex sont des agates. J’en ai chez nous, que M. T… m’a donnés. J’ai des échantillons gris, rouge, brun, verdâtre. J’ai aussi des échantillons de marbres des Pyrénées. Je te les montrerai. J’ai du quartz, j’ai du spath de plusieurs pays. Tu sais qu’ils se cassent tous en morceaux pareils : c’est fort curieux. » Je finis par une suggestion, si l’on veut, locale, mais très propre à mettre en jeu son imagination affective. « Aimes-tu mieux, lui dis-je, aller à S… qu’à T.. ? — J’aime beaucoup aller à S., à cause de la mer. Et puis je m’amuse avec Cambo (il a une vraie passion pour le chien de son grand-père). C’est un beau chien, très bon chasseur, un mâtin doublé d’épagneul. Grand-père y tient beaucoup. Et moi, donc ! J’en fais tout ce que je veux. Il aime bien mieux courir dans le village ou sur le bord de l’eau, que d’aller se faire gronder, et travailler dans les bois avec grand-père. Pourtant, j’aime peut-être mieux aller à T… Nos tantes nous font amuser. Elles nous font des friandises, des merveilles. Et nous allons nous