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volonté de cet acte existe dans le centre idéo-moteur. Ces hallucinations motrices sont, comme on le sait, très communes dans le rêve.

Combien de temps les hallucinations peuvent-elles persister après le réveil ? Les hallucinations de la vue sont celles sur lesquelles on peut expérimenter le plus facilement ; on ne peut, en effet, à cause de la gêne que cela procurerait au sujet, donner une hallucination persistante de l’ouïe, du toucher, voire même de l’odorat ou du goût, tandis qu’on peut sans inconvénient lui faire voir par exemple son vêtement d’une autre couleur que celle qu’il a en réalité. Il faut distinguer à ce point de vue le cas dans lequel on précise en la suggérant le temps que doit durer l’hallucination provoquée et celui dans lequel on n’assigne pas de durée précise à la suggestion. Dans le premier cas, l’hallucination dure en général le temps prescrit, du moins si j’en puis juger d’après ce que j’ai observé ; il est vrai que je n’ai jamais assigné une bien longue durée pour l’hallucination, craignant qu’il n’y eût à cela quelques dangers. Quand la durée n’en est pas précisée, l’hallucination dure un temps variable, quelques minutes, quelques heures, quelques jours, sans qu’on puisse toujours en déterminer la cause.

La façon dont disparaît l’hallucination suggérée mérite aussi l’attention ; elle ne disparaît pas en bloc, tout d’un coup, mais elle s’éteint graduellement et quelquefois par fractions pour ainsi dire. En voici un exemple. Le samedi 12 juillet, M. Liébault suggère à Mlle A… E… qu’à son réveil elle se verra en robe bleue et qu’elle verra son amie en robe rose (toutes les deux sont en noir) ; la suggestion se réalise et elle disparaît de la façon suivante. Sa robe lui a paru bleue jusqu’au dimanche soir ; le lundi matin elle voit encore son amie avec une jupe rose, mais le corsage de la robe est noir ; c’est seulement dans l’après-midi du lundi que l’hallucination disparaît complètement.

Je laisserai de côté les hallucinations rétroactives dont l’importance a été si bien mise en lumière par M. Liégeois et j’arrive à un des points les plus curieux de l’histoire des hallucinations, aux hallucinations négatives. Je ne discuterai pas ici la valeur du terme et je me contenterai de renvoyer le lecteur à la lettre du Dr Bernheim dans la Revue scientifique ; le mot du reste importe peu. On sait ce qu’on entend par hallucination négative. On peut chez un sujet hypnotisable, par suggestion faite soit pendant le sommeil, soit pendant la veille, frapper d’interdit, pour ainsi dire, un objet ou une personne présente, de telle sorte que cet objet, cette personne soient pour lui comme s’ils n’existaient pas. Il y a dans ces faits quelque chose qui