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détermination d’agir, dans un choix entre faire et ne pas faire. La volonté peut n’être que l’approbation accordée à un motif, ce motif étant seul, ou à un moyen supposé seul. Les hésitations de l’enfant se rapportent d’ailleurs bien plus aux moyens qu’aux motifs. Rarement elles se prolongent au delà de quelques secondes. Les mots vite et tout de suite sont encore très familiers à l’enfant de six ou sept ans : le doute et l’indécision ne sont guère de cet âge. Quand l’heure est venue des irrésistibles caprices, des idées obsédant es, les avertissements et les prières, l’idée du blâme ou du danger associée à certaines expériences, sont rejetés dans les bas-fonds de la conscience : on ne songe qu’aux moyens d’agir, si l’acte présente quelque difficulté ou quelque circonstance nouvelle ; l’hésitation, la délibération durent d’autant plus que les obstacles à la satisfaction du désir se rapportent moins à l’exécution elle-même. Si l’acte ne dépend que du jeune enfant, la délibération est courte : quelque analogie superficielle avec les expériences passées, un moyen quelconque, un expédient de rencontre sont mis au service de son impatient désir.

Les actes nouveaux ou peu habituels amènent en général une suspension toute mécanique des mouvements, qui n’est pas l’inhibition totale. Cette sorte d’hésitation, effet d’une idée dominatrice et d’un sentiment exclusif, se montre nettement dans le fait de l’attention expectante à deux fins. Quelques enfants avaient démantibulé en jouant le cheval à roulettes de leur ami S… Fureur, cris, rixe imminente. La mère accourt, examine le dégât, et s’asseoit sur un banc pour rajuster la machine. L’opération dura sept minutes. Pendant ce temps, les enfants n’avaient pas bougé : leurs yeux suivaient seuls les mouvements des mains de la jeune femme. Ils étaient comme rivés dans l’attente du résultat, par la crainte d’une semonce en cas d’insuccès. Si tôt qu’ils eurent vu le cheval redressé et prêt à courir de nouveau, ils se mirent à crier, à sauter, à danser comme des fous. Ici l’hésitation a été longue, et la délibération a été des plus simples, à peine bilatérale : on peut hardiment affirmer qu’elle a été en grande partie inconsciente. Voici un second exemple, un peu plus compliqué, où deux motifs antagonistes, l’un et l’autre importants, conscients, engagent un conflit de plus courte durée. Deux filles de cinq à six ans déjeunent chez leur grand’mère. On a donné à l’aînée un verre rose, un bleu à la cadette ; le bleu est un peu plus grand : l’aînée aurait préféré l’avoir. Elle veut le prendre à sa sœur, qui le saisit des deux mains et résiste. Voyant qu’on lui donnait tort, l’aînée se lève, furieuse, et dit : « Je vais chez moi : papa arrangera l’affaire. » On rit de la voir si drôlement en