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TANNERY. — le concept scientifique du continu

Si le premier dérivé d’un système est de la seconde classe, on peut toujours le décomposer, et cela d’une seule manière en deux systèmes, R et S tels que :

1o R soit de la première puissance et n’ait pas de points communs avec l’un au moins de ses propres dérivés successifs ;

2o S soit de la seconde puissance et identique avec ses propres dérivés successifs.

On appelle système parfait un système tel que S.

Les deux conditions que doit remplir un système pour être continu, d’être parfait et bien enchaîné, sont indépendantes l’une de l’autre. En effet, un système peut être bien enchaîné, sans être parfait ; tel est par exemple, le système formé par l’ensemble de tous les nombres rationnels entre 0 et 1, système qui est d’ailleurs de la première puissance seulement, comme nous l’avons dit. Au contraire un système peut être parfait sans être bien enchaîné. On peut en effet concevoir des systèmes parfaits qui ne soient pas condensés sur toute l’étendue de la droite figurative, mais n’en occupent que des portions séparées les unes des autres.

Un système continu dont on retranche un système de la première puissance (par exemple le système des points correspondant aux nombres rationnels), reste bien enchaîné, mais n’est plus parfait. M. Georg Cantor l’appelle semi-continu.

VI. Importance philosophique du sujet.

Ainsi, dans l’ordre d’idées que j’ai essayé d’exposer, le continu n’apparaît plus comme un genre opposé à un autre, le discontinu, et dont on possède, comme de ce dernier, l’intuition a priori. En partant de la notion du discontinu, on s’élève par une pure construction logique, à l’idée plus générale d’un système de points infini ou même infiniment infini (seconde classe). De ce genre supérieur, on déduit un très grand nombre d’espèces différentes, au milieu desquelles apparaissent le simple discontinu et le continu, mais sans opposition tranchée désormais, plutôt comme reliés entre eux par une gradation d’espèces intermédiaires, en passant par le discontinu bien enchaîné et par le semi-continu. Il est incontestable que cette nouvelle conception réalise un important progrès au point de vue philosophique.

Mais il y a lieu de faire une remarque essentielle : M. Georg Cantor s’est efforcé de donner une définition du continu indépendante de la dimension, s’appliquant aux surfaces et aux volumes comme