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gion ; et ces questions, semble-t-il dire, ne regardent pas un ignorant comme lui. Il se montre respectueux et discipliné. La parole est aisée, la prononciation d’une netteté remarquable.

Il lit parfaitement bien et écrit passablement. Il ignore complètement tous les événements qui se sont passés depuis le 2 janvier 1884 ; il ne sait où il se trouve, ne connaît aucune des personnes qui l’entourent ; n’est jamais venu à Rochefort ; n’a jamais entendu parler de l’infanterie de marine, de la guerre du Tonkin.

En évoquant ses souvenirs antérieurs, il raconte qu’avant d’entrer à Bicêtre il a fait un séjour à Sainte-Anne. Au delà, dans sa vie, aucun souvenir ne subsiste.

Troisième état. — Hemiplėgie gauche (membres seuls) avec hémi-anesthésie générale. — Cet état s’obtient en appliquant un aimant sur le bras droit. Le transfert opéré, l’état est exactement symétrique de l’état ordinaire pour le mouvement comme pour la sensibilité, la zone hystérogène, l’organe d’inhibition de l’attaque convulsive. Le dynamomètre marque 0 à gauche et 36 à droite.

Le malade se réveille à l’asile Saint-Georges, de Bourg, en août 1882 ; il a dix-neuf ans. La France est en guerre avec la Tunisie, M. Grévy est président de la République ; le pape est Léon XIII. Le caractère, les facultés affectives, le langage, la physionomie, les goûts sont semblables au deuxième état. Quant à la mémoire, elle se trouve bornée à une époque antérieure. Il vient de Chartres, chez sa mère, d’où il a été envoyé à Mâcon, chez un grand propriétaire de vignobles où il était employé à la culture. Tombé malade, à plusieurs reprises, il a été soigné à l’hôpital de Mâcon, puis à l’asile de Bourg où il se trouve. Tout ce qui précède, tout ce qui suit cette courte période de sa vie lui est totalement étranger.

Quatrième état. — Paraplégie. — Obtenu par l’application de l’aimant sur la nuque.

La paraplégie est complète, avec contracture en extension. L’anesthésie est étendue sur toute la partie inférieure du corps jusqu’à l’ombilic. Toute la partie supérieure jouit de la sensibilité et du mouvement. Certaines régions sont devenues douloureuses ; la zone hystérogène de l’hypochondre gauche est transportée dans l’aine droite. La force musculaire est égale dans les deux membres. Essai dynamo-métrique : main droite, 21 ; main gauche, 25. Il vient de voir MM. Cortyl, Camuset, et autres personnes de l’asile de Bonneval. Il est poli, timide, triste même ; sa prononciation est nette, mais son langage est incorrect, impersonnel, enfantin. Il a oublié à écrire et à lire ; il épelé les lettres capitales. Son intelligence est très obtuse ; sa mémoire confuse ne sait rien des événements ni des personnages de cette époque. Il ne connait que deux endroits Bonneval où il croit être, et Saint-