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observations et documents

Urbain d’où il vient, où il était, dit-il, paralysé, couché. Toute la partie antérieure de sa vie, de sa naissance à l’accident de la vipère qui a causé sa maladie ; tout ce qui a suivi l’attaque et le changement spontané d’état à Bonneval, lui sont absolument inconnus. Il ne reconnaît point le lieu où il se trouve et ne nous a jamais vus, nous qui l’entourons.

Son occupation ordinaire est le travail à l’atelier des tailleurs ; il coud en homme habitué.

Cinquième état. — Ni paralysie, ni anesthésie, 14 ans. — Obtenu par l’électricité statique, ou par l’application de l’aimant sur la partie antérieure de la tête.

Le malade est débarrassé de toute paralysie, de tout trouble de sensibilité. Il est remarquable d’adresse et d’agilité. La force musculaire est sensiblement égale à la main droite et à la main gauche. Essai dynamométrique : main droite, 18 ; main gauche, 20. La sensibilité est normale à droite et à gauche.

Il reprend conscience à Saint-Urbain en 1877 ; il a quatorze ans. Le maréchal de Mac-Mahon est président de la République, Pie IX est pape. Timide comme un enfant, sa physionomie, son langage, son attitude concordent parfaitement. Il sait très bien lire et convenablement écrire. Il connaît toute son enfance, les mauvais traitements qu’il recevait à Luisant, etc.

Il se rappelle avoir été arrêté et condamné à l’internement dans une maison de correction. Il est à la colonie pénitentiaire que dirige M. Pasquier. Il apprend à lire à l’école de Mlle Breuille, l’institutrice de Saint-Urbain. Il est employé aux travaux de l’agriculture. Son souvenir s’arrête exactement à l’accident de la vipère, dont l’évocation amène une crise terrible d’hystéro-épilepsie.  

Sixième état. — Pas de paralysie, mais hyperesthésie à gauche, 22 ans. — Obtenu par l’application de fer doux sur la cuisse droite.

Le transfert, dans ce cas, est plus laborieux que le transfert ordinaire ; il s’accompagne de convulsions, d’hallucinations, de grandes salutations, etc.

Comme dans l’état précédent, le malade est débarrassé de tous les troubles du mouvement. Essai dynamométrique : main droite, 30 ; main gauche, 32. La sensibilité est normale au côté droit, mais le côté gauche est le siège d’une très vive hyperesthésie.

Il reprend conscience le 6 mars 1885 ; il a vingt-deux ans, il connaît les événements contemporains, les personnages au pouvoir ; mais Victor Hugo, grand poète, sénateur, est encore vivant.

Ce n’est plus l’enfant timide de tout à l’heure, c’est un jeune homme convenable, ni pusillanime, ni arrogant ; il est soldat d’infanterie de marine. Le langage est correct, la prononciation nette. Il lit très bien et écrit convenablement.