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recherche de la vérité. Je pense aujourd’hui tout ce que j’ai pensé, dans ma jeunesse philosophique, sur la religion, sur la philosophie, sur Dieu, sur la Providence, sur le monde, sur l’âme humaine, sur la liberté, sur la loi morale. Je n’ai trouvé dans la science, dans la psychologie, dans l’histoire, que des raisons de m’affermir dans ma pensée » (p. xii et xiii). Peut-être M. Vacherot n’est-il pas resté aussi fidèle à lui-même qu’il le croit. « Le nouveau spiritualisme » ne me paraît pas contredire le grand ouvrage, qui est son vrai titre de gloire, La Métaphysique et la Science » ; mais ce qui était au second plan passe au premier ; du même coup, la perspective change. De plus, ce qui ne saurait être indifférent en philosophie, on pressent chez l’auteur une expérience plus étendue de la vie de l’âme, non pas plus d’intelligence à coup sûr, mais plus d’indulgence peut-être et de sympathie. L’accent n’est ni plus éloquent, ni plus fier ; il est plus ému, il s’y mêle je ne sais quel regret, comme un vague remords, qui adoucit l’expression dogmatique de l’idée, et ajoute au charme de la sincérité l’émotion personnelle de l’homme, qui sait tout ce qu’il sacrifie à la volonté de ne dire que ce qu’il pense. « Pascal savait par expérience que, quand paraît la lumière de la raison, la foi disparaît avec la merveilleuse vertu qui est en elle… Le plus grand miracle de la religion, celui que nulle science, nulle philosophie, nulle raison ne peut faire comme elle, c’est la consolation des cœurs blessés (p. xi). Rien ne remplace le dialogue muet et intime entre le Dieu qui a porté sa croix et la pauvre âme qui, elle aussi, a souffert sa passion. « Seigneur, je succombe à ma douleur — Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. — » Le seul Dieu consolateur est celui que l’on peut aimer » (p. xi). Mais M. Vacherot est de ceux qui sacrifient tout à la vérité.

I. Sur l’objet de la métaphysique, sur la nécessité de la concilier avec les grands résultats de la science positive, M. Vacherot pense tout ce qu’il pensait autrefois. Expliquer, pour la science expérimentale, c’est résoudre le composé dans le simple ; elle ne connaît pas d’autres principes que les éléments, pas d’autres causes que les conditions. Quand la science a découvert par l’analyse les principes élémentaires des choses, quand elle a déterminé les conditions par l’expérience, ne laisse-t-elle plus de mystères à pénétrer ? Qui oserait le soutenir ? Il reste à s’élever à ces causes, à ces principes, à ces raisons qui sont la seule explication définitive ; il reste à rendre compte de l’ordre du monde, de ce concours, de cette conspiration des éléments qui fait l’unité et l’harmonie de la vie universelle.

Quelle méthode permettra de résoudre ce problème redoutable et nécessaire ? Pour la découvrir, M. Vacherot, avec l’ampleur qui caractérise son talent d’historien, résume les efforts tentés depuis le commencement du siècle pour reprendre la tradition métaphysique, interrompue par le scepticisme de David Hume, par le sensualisme de Condillac, par la critique de Kant. Impuissance de la spéculation logique (Fichte, Schelling, Hégel), impuissance de l’intuition rationnelle (Victor