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ANALYSES.e. vacherot. Le nouveau spiritualisme.

Cousin), impuissance de la tradition théologique (Lamennais, Pierre Leroux, etc…), voilà l’irrésistible conclusion de l’histoire. Une seule voie reste ouverte : l’expérience. « La philosophie en est maintenant à l’alternative, ou de renoncer à la métaphysique, ce qui serait un suicide, ou de chercher dans l’expérience et dans la science positive la solution des questions que la légitime curiosité de l’esprit humain ne cessera de poser » (p. 116). M. Vacherot ne veut pas pour la philosophie une méthode qui ne soit qu’à elle, il veut qu’elle se constitue par les méthodes des sciences positives, qu’elle ait, par suite, le même genre de certitude. « La pensée philosophique ne peut trouver autre part que dans l’expérience, l’induction et l’hypothèse, les principes de ses explications et les éléments de ses systèmes (p. 160)… Il faut que la nouvelle métaphysique parle le langage de la science moderne, ne posant que des problèmes solubles, n’en cherchant la solution que dans les méthodes scientifiques elles-mêmes (p. 177). »

Nous savons quel est l’objet de la métaphysique, quelle doit être sa méthode. Mais ici une difficulté nous arrête. L’objet de la métaphysique n’est point l’objet de la science. La science observe les phénomènes, y démêle les lois, qui ne sont elles-mêmes que des faits plus généraux, présents aux faits particuliers ; la métaphysique a l’ambition d’atteindre l’être, les principes et les causes. N’est-ce pas une règle de logique que la méthode varie comme l’objet à connaître ? Aussi bien que la science, répond M. Vacherot, la métaphysique est fondée sur l’expérience, procède par l’induction et l’hypothèse. Toute la différence est que la science part de l’expérience sensible, de l’intuition des phénomènes, et la métaphysique de l’expérience intime, de l’intuition de l’être. « Nous ne croyons, nous autres spiritualistes, qu’à la méta-physique qui, par l’organe de ses plus illustres maîtres, a cherché l’absolu dans le cœur même de la réalité, dans ce for intérieur que la conscience éclaire de sa vive lumière. C’est là qu’elle saisit le noumène, qu’elle découvre l’inconnaissable, qu’elle atteint l’absolu. La vraie ontologie n’est qu’une révélation psychologique… (Préface, p. iv). La conscience est un œil qu’il suffit de bien appliquer pour voir clair dans le grand livre de la nature… Le Cosmos, que nous fait connaître la science, est bien le Cosmos que nous fait penser la philosophie… La seule méthode féconde pour cette vision supérieure, qui se nomme la métaphysique, c’est la réflexion appliquée, comme un microscope intérieur, aux phénomènes de la conscience » (p. 209-210).

Ainsi au point de départ du « nouveau spiritualisme » nous trouvons l’expérience. « Le sens intime atteint des forces qui sont de véritables causes, et non plus de simples conditions des phénomènes. Il perçoit des mouvements volontaires ou instinctifs, qui tendent à une certaine fin dont le moi a conscience. Causalité et finalité, voilà les deux grandes lumières qui éclairent d’abord tout ce monde intérieur » (p. 211). La métaphysique qui, comme la science, commence par l’expérience, comme elle encore, se continue et se développe par l’induction, l’ana-