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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

à des conditions de sexe ou de métier, d’autres à une idiosyncrasie particulière et sont purement individuelles. Le groupement plus ou moins harmonieux de ces réactions dues au genre, à l’espèce, à la race, à l’âge, au sexe, à la conformation particulière et aux circonstances générales ou particulières où l’organisme se trouve placé, forme ce qu’on appelle le caractère ou l’individualité de chacun de nous.

Ces diverses réactions du système nerveux, en présence des excitations diverses qu’il reçoit du monde extérieur ou du monde intérieur, se ramènent au type de l’action réflexe en prenant le mot dans son sens le plus large. Cette théorie est la seule compatible avec le déterminisme universel des phénomènes qui, s’il n’est pas absolument démontré, paraît bien reposer sur les inductions les plus probables des diverses sciences en général et de la science psychologique en particulier. S’il y avait quelques exceptions partielles et apparentes à faire, si l’on peut admettre une spontanéité dans le genre de celle dont parle Bain, il est facile de voir que cette exception n’a pas d’importance, puisque d’un côté le phénomène nerveux est toujours sous la dépendance des conditions extérieures et que, d’ailleurs, ces phénomènes de spontanéité apparente se laissent ramener à une formule semblable à celle qui exprime les caractères généraux des autres phénomènes de l’activité humaine, pourvu que l’on fasse cette formule un peu plus large que l’on n’a peut-être coutume de le faire.

Nous n’avons parlé jusqu’ici que du système nerveux et non de l’intelligence ou de la sensibilité. Nous avons à nous expliquer sur ce point et à indiquer comment il faut comprendre le rôle de la conscience. Une considération qui s’offre tout de suite à nous, nous permet de ne lui assigner tout d’abord tout au plus qu’une importance secondaire dans cette fonction de systématisation de l’homme. La conscience en effet est souvent absente des réactions nerveuses qui se produisent chez les êtres organisés. Chez l’homme par exemple, l’action réflexe de la moelle ne donne lieu à aucun phénomène psychique observable par la conscience de l’individu. Les actions réflexes de la moelle épinière ne sont pas seules dans ce cas. Nous sommes donc obligés de reconnaître que la conscience n’est pas une condition nécessaire de l’harmonie des organes. La vie végétative suffirait à le prouver. Nous n’avons pas, par conséquent, à expliquer la finalité par l’intelligence, la rencontre de plusieurs phénomènes ou de plusieurs processus tendant vers un but, ou vers des buts harmoniques, ne révèle pas le moins du monde une cause consciente comme l’on s’est plu à le croire, et quand on réfléchit un peu sur la question, on voit qu’il n’y a absolument rien dans la conscience