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systématisation de ces organes, systématisation incomplète, mais réelle. Mais l’homme n’est pas seulement un système, il est un système systématisant ; l’harmonie qui existe en lui, il l’étend dans le monde en substituant la finalité au hasard, en faisant servir à un même but des objets naturels qui, sans lui, restaient sans aucun rapport entre eux, en prenant par exemple le fer et le charbon à la terre, le bois aux arbres, le cuir aux animaux, le verre, les étoffes qu’il fabrique, etc., pour en faire un système de rails, de locomotives et de wagons. L’homme est une sorte de ferment de systématisation et, par suite, de moralité introduit dans le monde. Je ne veux pas insister ici sur ce point que je développerai peut-être dans une autre étude, mais il faut en dire ce qui est nécessaire à notre sujet. Cette systématisation se fait aussi par l’intermédiaire du système nerveux. Il établit, comme l’a montré H. Spencer, l’adaptation de l’homme au monde extérieur, on peut dire qu’il sert peut-être autant à adapter le monde extérieur à l’homme. Par ces adaptations successives, il se forme, quand les circonstances sont favorables, un système qui, à de certains égards au moins, devient de plus en plus parfait en ce qu’il comprend plus de parties, et en ce que ces parties sont plus étroitement liées les unes aux autres en vue d’une fin unique suprême ou de fins partielles harmoniques.

Dans ce système qui comprend, comme nous le voyons, des éléments inorganiques, des êtres animés, et des hommes, le centre c’est l’homme, et dans l’homme le système nerveux, qui reçoit les impressions du dehors et réagit selon sa nature propre. De ces réactions, les unes sont générales, les autres particulières ; les unes appartiennent aux propriétés générales du tissu nerveux ou, si l’on veut, les unes sont des phénomènes qui se présentent partout où l’on trouve ces autres phénomènes appelés système nerveux ; les autres varient selon les individus. Les unes sont des réactions spécifiques, les autres, des réactions individuelles, — il y a d’ailleurs tous les degrés possibles entre les unes et les autres. Certaines réactions sont communes à tous les hommes sains, par exemple l’acte réflexe qui fait dilater ou contracter la pupille selon le degré de clarté ; d’autres se rencontrent seulement chez une certaine partie des hommes ; — chez les sauvages cannibales certaines impressions des sens fournies par des corps d’homme dans certaines circonstances sont suivies des réactions appropriées pour faire cuire et manger lesdits corps, — cette réaction ne se produit plus ou ne se reproduit que très rarement et dans des circonstances extrêmes chez les peuples civilisés. Certaines réactions sont ainsi propres à certaines races d’hommes d’autres sont propres à certains âges, d’autres sont dues