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que leur nature propre et leur genre d’occupations portent tout particulièrement vers l’observation intérieure. Il est difficile même de leur donner un nom précis, car ils sont peu connus et ne sont point classés, mais nous pouvons citer comme exemple cette impression particulière que nous ressentons alors que, vivement préoccupés d’un sujet, nous nous livrons pourtant à une occupation qui n’a aucun rapport avec lui et qui absorbe presque complètement notre attention. Nous ne pensons plus précisément à l’objet de nos préoccupations, nous ne nous le représentons pas d’une manière nette, et cependant nous ne sommes pas dans l’état d’esprit où nous serions sans cette préoccupation. L’objet de cette préoccupation, absent de la conscience, y est représenté par une impression particulière, sur laquelle nous ne nous méprenons nullement et qui persiste souvent très longtemps et d’une manière assez vive, quoique peu nette pour l’intelligence. Nous pouvons aussi ranger dans cette classe quelques-uns des phénomènes que M. Spencer a appelés des rapports entre les états de conscience[1]. Nous aurons, dans la suite de ce travail, à examiner quel est le rôle joué par les différents éléments qui composent l’esprit, et principalement le côté affectif de l’esprit, à étudier les relations qu’ils soutiennent les uns avec les autres et comment ils sont organisés entre eux ; pour le moment nous n’avons qu’à nous occuper de la partie descriptive du sujet, à passer en revue les différents groupes de phénomènes qui se classent dans le groupe plus considérable, et qui les embrasse tous, des phénomènes affectifs. Il ne s’agit pas, bien entendu, de faire ici une classification systématique des sentiments et des passions, nous ne nous plaçons qu’au point de vue de la psychologie générale, et nous n’avons à examiner que les caractères les plus généraux des phénomènes que nous étudions.

Il semble au premier abord que nous pourrions établir cette classification en la rattachant à une classification analogue des phénomènes intellectuels, et distribuer les phénomènes affectifs en plusieurs classes, selon qu’ils sont associés à telle ou telle classe de phénomènes intellectuels. On obtiendrait ainsi un résultat partiellement juste, car il est vrai que les émotions qui accompagnent par exemple ces représentations faibles qui constituent le souvenir d’une personne, sont généralement moins vives que l’émotion que nous fait éprouver l’état intellectuel qui constitue la perception de cette même personne. Cependant cela n’est pas toujours exact, il est des cas où le souvenir, grâce à des circonstances particulières, à la disposition

  1. Voir Principes de psychologie, I, 165.