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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

d’esprit dans laquelle nous nous trouvons et qui ne laissent apparaître que certains côtés de la réalité, produit une impression affective plus forte que la présence réelle. D’un autre côté, dans bien des cas, nous pouvons observer que des états émotionnels forts sont joints à des états intellectuels faibles et que des états émotionnels faibles ou nuls accompagnent des états intellectuels forts. Nous sommes donc réduits à opérer une classification des phénomènes affectifs par la simple considération de ces phénomènes. Cette classification sera analogue à celle qu’on pourrait pratiquer sur les phénomènes intellectuels, mais les phénomènes eux-mêmes n’en sont pas moins séparés.

Voici donc les différentes classes des phénomènes affectifs que je propose de reconnaître en faisant remarquer que cette classification n’a rien de rigoureux.

Elle comprend deux groupes qui comprennent à leur tour plusieurs subdivisions. Le premier groupe contient les passions, les sentiments, les sensations affectives, les tendances affectives et les signes affectifs, le deuxième groupe comprend les émotions.

Il est certaines de ces classes sur lesquelles je n’ai pas besoin d’insister longuement, telles sont, dans le premier groupe, les classes des passions et des sentiments ; tout le monde comprend suffisamment, je pense, ce que j’entends par là ; je donne à ces mots, à très peu de chose près du moins, leur sens ordinaire. Les sensations affectives, auxquelles je donne ce nom pour distinguer, dans les sensations, l’élément sensitif de l’élément intellectuel, correspondent à peu près aux sentiments présentatifs, de M. H. Spencer, qui sont d’après cet auteur « ces états mentaux dans lesquels au lieu de regarder une impression corporelle comme une impression de cette nature ou comme localisée ici ou là, nous la considérons comme un plaisir ou une peine : comme par exemple quand nous respirons un parfum[1]. » Quant aux émotions formant le second groupe de ma classification, il ne faut voir en elles que des phénomènes affectifs de peu de durée, marquant un passage, un rapport entre deux autres états psychiques ; elle sont dues en général à la satisfaction ou à l’arrêt de la satisfaction de nos tendances, ou bien encore à l’idée de cette satisfaction ou de cet arrêt, ou plus exactement, à un changement brusque dans le mode de satisfaction de nos tendances.

Restent donc les tendances affectives et les signes affectifs, à propos desquels il me paraît nécessaire d’entrer dans quelques développements. Il faut nous reporter ici aux opérations intellectuelles ; nous

  1. H. Spencer, Principes de psychologie, I, 534.