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en moins d’obstacles, les actes purement réflexes, — ceux que l’on appelle d’habitude ainsi, — sont à la fois ceux qui s’accomplissent le plus facilement, le plus vite et avec le moins de conscience, puisqu’ils sont complètement inconscients. Comme d’un autre côté le système nerveux de l’homme peut être considéré comme un appareil destiné à recevoir des impressions diverses et à mettre par des réactions appropriées les différentes parties de l’organisme en harmonie les unes avec les autres et l’organisme lui-même en harmonie avec son milieu, soit par la modification de l’organisme, soit par la modification du milieu, toute impression, toute excitation nerveuse peut et doit être considérée comme un commencement de tendance ou comme une tendance partielle à faire exécuter des mouvements de nature diverse. Ce que l’on sait sur les conditions de la conscience autorise à penser que le fait psychologique se produit, alors que, soit que ces tendances n’aient pas été suffisamment satisfaites pour que la voie que doit parcourir l’excitation soit suffisamment perméable, soit que d’autres conditions quelconques, la complexité des opérations, l’intervention d’autres tendances et le conflit qui en résulte, viennent lui faire obstacle, la tendance en acte ne peut facilement et immédiatement se traduire et se manifester par un acte réel. Des phénomènes fréquents permettent de nous rendre facilement compte du fait dont il s’agit. Alors que nous accomplissons machinalement une action quelconque, nous venons à nous apercevoir et de l’action et de son interruption si quelque chose l’interrompt. Le fait pourtant ne se produit pas toujours, mais en examinant quelques cas, nous pourrons voir les causes qui tantôt laissent subsister l’inconscience, tantôt produisent un fait intellectuel, tantôt enfin amènent l’apparition d’un phénomène de l’ordre affectif.

Il arrive par exemple que, si l’on cause en marchant, et si la conversation devient plus intéressante ou plus animée, ou s’arrête, la marche s’interrompt. Nous avons ici un arrêt de tendance au mouvement qui ne s’accompagne ni de sentiment, ni même de conscience nette. Qu’est-ce qui caractérise ce phénomène ? — La marche est un acte réflexe dont le point de départ se trouve principalement dans l’impression que produit le sol sur la plante des pieds, ainsi que l’a prouvé l’observation de certains malades. Or tant qu’on marche, cette impression persiste, et avec elle, la tendance au mouvement, il y a donc bien, quand la marche s’interrompt, une tendance arrêtée. Les conditions dans lesquelles se produit cet arrêt sont les suivantes : 1o l’impulsion à la marche est très faible et n’aboutit quelque temps que parce qu’elle ne rencontre aucun obstacle ; 2o elle ne s’arrête pas par un obstacle direct ; mais un autre processus psycho-physiologique,