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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

qui est resté indépendant d’elle pendant quelque temps, absorbe à son profit toutes les forces psychiques et en particulier celles qui étaient nécessaires pour que la tendance à la marche pût se réaliser ; 3o la tendance à la marche n’est pas seulement entravée, elle est momentanément à peu près anéantie pendant l’arrêt, il ne se produit aucun fait de conscience qui ait rapport à elle.

Examinons maintenant les cas où l’arrêt de la tendance donne naissance à des faits de conscience.

Il arrive que lorsqu’on est fortement absorbé par une occupation quelconque, on finit par perdre à peu près complètement la conscience nette de ce que l’on fait ; dans ce cas, une interruption en vous arrachant à la distraction, vous donne la conscience de ce que vous faisiez. Ainsi, si j’écris, en étant absorbé par ce que j’écris, je prendrai de temps en temps de l’encre dans mon encrier en n’ayant de cet acte qu’une conscience très vague, si même j’en ai conscience ; mais si, par exemple, mon encre est épuisée, ou si un incident de ce genre arrête l’impulsion presque inconsciente à prendre de l’encre, je reprends conscience de cette impulsion, du besoin que j’ai, et des circonstances parmi lesquelles elle se manifeste, et il se produit généralement une représentation, un phénomène intellectuel. Si nous analysons les circonstances particulières de l’arrêt en ce cas nous trouvons qu’elles sont les suivantes : 1o L’impulsion rencontre un obstacle direct, elle ne s’arrête pas parce que la force psychique est appelée ailleurs, comme cela arriverait, comme cela arrive quand la méditation sur le sujet de mes réflexions arrête ma plume, ici l’impulsion persiste et n’attend pour se traduire de nouveau en acte que la disparition des obstacles qui l’ont arrêtée ; 2o les nouveaux phénomènes psychiques qui se produisent à la suite de l’arrêt de l’impulsion ont rapport à cette même impulsion. Ce sont, dans l’espèce des images d’encre ou de plume et des gestes nécessaires pour me procurer de l’encre et des tendances vers les mouvements appropriés. Ces faits ne sont ni bien nombreux, ni complexes. 3o Les états psychiques concomitants, réflexions sur le sujet qui me fait écrire, recherche d’idées, etc., ne sont pas totalement interrompus.

Enfin, voyons le cas où au lieu de l’inconscience ou d’un phénomène intellectuel, c’est un phénomène affectif qui se produit et notons les particularités qui se produisent en même temps. Si, par exemple, croyant aborder un ami intime qu’il n’a pas vu depuis longtemps, un homme expansif se précipite les bras ouverts sur un inconnu, l’arrêt des tendances diverses qui naissent en ce moment (gestes, paroles, etc.), se traduit dans ce cas par un sentiment de confusion et de regret, en même temps l’imagination se met en branle et se représente vive-