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ANALYSES. crépieux-jamin. Graphologie.

sur cette tentative curieuse, et où tout n’est pas chimérique, de chercher dans l’écriture d’un homme des indices de son caractère.

Entre les choses dont il faut savoir gré à M. Crépieux-Jamin, signalons avant tout la bonne foi avec laquelle il reconnaît les imperfections actuelles d’une « Science » qui lui inspire d’ailleurs une confiance absolue. S’il a le grand tort de la rapprocher hors de propos de recherches infiniment moins intéressantes et aujourd’hui fort décriées, comme la phrénologie, cette imprudence inutile est rachetée par l’honnête circonspection qu’il met à distinguer, dans la graphologie, ce qu’il tient pour acquis de ce qui est contestable, seulement probable ou franchement puéril. Il se défie, par exemple, comme il convient, des téméraires qui vont jusqu’à se faire fort de retrouver dans la forme des lettres le physique de l’écrivain, et plus encore des habiles, qui exploitent la graphologie sans l’enseigner et peut-être sans la savoir, qui donnent d’élégantes consultations, lucratives autant que superficielles, sans dévoiler aucun de leurs secrets. On ne lui fera pas, à lui, le même reproche. Il se livre sans réserve. Non content de donner toutes ses observations avec celles de ses devanciers, tous les signes dont il croit avoir l’interprétation, il cherche souvent à expliquer pourquoi telle particularité graphique révèle tel trait de caractère. Là est, à vrai dire, la partie faible de son ouvrage. Autant les observations sont justes le plus souvent, autant les explications font sourire. Elles reposent presque toutes sur des analogies douteuses, sinon même purement verbales elles rappellent un peu ces associations d’idées dont parle Stuart Mill, qui font croire aux paysans que les liqueurs fortes rendent fort.

Le chapitre intitulé Principes de la Méthode graphologique suffirait à faire sentir qu’il n’y a pas l’ombre de charlatanisme dans le fait de M. Crépieux-Jamin. Il n’y met point de mystère. Après quelques pages, trop brèves, sur les rapports généraux de la graphologie avec la psychologie, sur la valeur seulement relative des signes dans une écriture, sur la nécessité de les interpréter les uns par les autres, il vient au fait, et nous donne un vaste tableau des signes dont le sens lui est connu. Signés généraux : l’écriture harmonique ou inharmonique (ces mots, dont il est fait un continuel usage, voudraient être expliqués plus clairement), montante ou descendante, rectiligne ou serpentine, grande ou petite, verticale, renversée ou inclinée, arrondie ou anguleuse, claire ou confuse, espacée ou serrée, simple, bizarre, ornée, légère, pâteuse, rapide, calme, hésitante, agitée. Signes particuliers : les courbes, les angles, les lignes, les mots (grossissants ou « gladiolés », oubliés, « filiformes, » les lettres (liées ou juxtaposées, ouvertes ou fermées, ouvertes par le haut ou par le bas…), les majuscules, (surtout M, P, S et L), les minuscules (surtout le D), les finales (longues, courtes, en crochet, en angle aigu), les traits, les barres du t, la ponctuation, les marges, les signatures, les paraphes[1]. À quoi il faut ajouter

  1. Un grand nombre de fac-simile éclairent le texte et augmentent l’intérêt du livre.