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ANALYSES. a. coste. Bonheur et force.

La famille, le travail ou le métier, la vie publique, la doctrine, ce sont en effet les quatre grands cadres de l’existence sociale, et ils forment aussi les quatre parties de l’ouvrage de M. Coste. Cet ouvrage relève d’abord, en ses détails, de la critique économique, et je dois me borner à quelques indications d’après lesquelles on en jugera l’esprit.

M. Coste insiste avec une force singulière sur les avantages que l’individu, et partant la société, retireraient d’une constitution plus solide de la famille, et la partie où il en traite est peut-être la meilleure de l’ouvrage. Il trouve avec raison dans la famille le point d’appui naturel du citoyen, et c’est pourquoi il la veut féconde. « Les familles fécondes, dit-il, sont les seules qui restent assurées, autant qu’il est possible, du maintien de leur prospérité et d’une progression nouvelle ». « C’est une grande imprudence, dit-il encore, de ne pas assurer son bonheur, dès qu’on le peut, en se rattachant à une famille nombreuse. » Hélas ! on ne l’entend pas ainsi chez nous, où « le mariage, tel qu’on le comprend aujourd’hui, est un moyen de sortir de la famille, et non d’y entrer. » Du reste il ne condamne pas sans réserve le célibat, et il en apprécie au contraire la haute moralité en certains cas.

Si l’on objecte que la nature leurre les individus pour protéger l’existence de l’espèce, il répond que c’est à nous de ménager notre participation dans les bénéfices de la nature et de passer du rang de dupes à celui d’associés, en rapportant nos moyens de bonheur aux lois qui régissent notre fonctionnement physiologique et social. « Le maître n’a besoin, observe-t-il, de tromper son ouvrier, que quand celui-ci est hostile ou inintelligent. » Tous ces chapitres sont riches de pensées fines, souvent émues.

La question de la propriété est liée étroitement à celle de la famille. M. Coste trouve la justification immédiate du droit de propriété, droit qui est pour lui une simple conséquence sociale, dans ce fait que « aux mains des incapables, il serait insoutenable. » Il écrit plus loin : « L’activité est la raison d’être de la propriété, comme la fécondité est la raison d’être du mariage. » Il n’hésite donc pas à réclamer pour le père de famille la même liberté de tester qu’on laisse au célibataire, dans le but de continuer la propriété familiale aux mains des enfants les plus capables de la soutenir.

Le point saillant de la deuxième partie de l’ouvrage est la critique des diverses formes du système coopératif tant préconisé, en tant qu’il aurait la vertu de remplacer l’action des grands capitaux. Le vrai problème, selon M. Coste, paraît être dans une hiérarchie des fonctions, des services et des responsabilités, ordonnés au sein d’une entreprise collective telle que les besoins modernes ont conduit à l’organiser, et pour ainsi dire dans « l’emboîtement des entreprises responsables ». La question sociale est à ses yeux de « concilier la concentration des capitaux avec l’activité des propriétaires et la personnalité des metteurs en œuvre, » Dans la troisième partie, il s’attache principalement à recommander