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Dieu est esprit ou corps, mais c’est que nous ne pouvons nous représenter autre chose, s’ensuit-il que Dieu ne puisse être autre chose ? — Sans doute, répondrons-nous à Bradley, mais y a-t-il bien en ce cas un véritable jugement disjonctif logique ? Les termes du jugement disjonctif ne doivent pas en effet être seulement exclusifs, il doivent encore être exhaustifs. Ce n’est qu’à cette seconde condition que ce jugement pourra fournir un fondement au raisonnement. Est-il possible d’avoir de tels jugements ? Oui, à la condition de poser des dichotomies contradictoires, et ceci ramène le jugement disjonctif à reposer sur le principe du milieu exclu. Nous reconnaissons donc avec Bradley qu’il peut y avoir des jugements disjonctifs qui ne sont pas exhaustifs : ex. : L’homme est blanc, jau ne ou rouge, on omet noir ; mais nous ajoutons : un tel jugement n’a point de valeur logique, c’est un phénomène psychologique particulier ; la logique, bien loin d’y voir le type de la disjonction, ne doit s’en occuper que pour montrer son insuffisance.

L’auteur étudie ensuite les trois principes d’identité, de contradiction, de milieu exclu, puis la quantité et la modalité des jugements. Peut-être s’appuie-t-il un peu trop sur le principe d’identité, et ne donne-t-il pas à l’extension et à l’intension des jugements tous les développements que demande cette importante question. Il soutient que la modalité des jugements ne ressortit pas à la logique, ce qui est au moins douteux, et arrive enfin à l’exposition de sa théorie de l’inférence ou comme nous disons en France, du raisonnement.

II. Nous passerons rapidement sur les parties où l’auteur ne fait que rapporter des doctrines bien connues sur les caractères du raisonnement. Bradley relève comme une erreur constante des logiciens la doctrine qu’il y a une proposition majeure dans tout raisonnement, il va même jusqu’à dire qu’il n’y a jamais de proposition qui mérite ce titre. Nous croyons qu’il dépasse la vérité qui, selon nous, a été parfaitement établie par M. Lachelier dans sa thèse latine, déjà citée. Il n’y aurait plus dès lors de syllogisme, puisqu’il ne peut y avoir syllogisme sans majeure. — À la suite de Kant, Bradley affirme que le principe du raisonnement n’est pas le Dictum de omni et nullo, mais cet autre : Nota notæ est nota rei ipsius. — Y a-t-il entre ces deux principes la différence radicale qu’on croit y trouver ? C’est une question intéressante que nous nous contentons de soulever et que nous n’avons pas le temps de résoudre. Quoi qu’il en soit, la théorie de Kant aboutit, d’après l’auteur, à n’accepter comme valide que la troisième figure. Le résultat est assez étrange, si l’on se souvient que Kant ramenait au contraire toutes les figures à la première[1], peut-être cependant n’est-ce pas Bradley qui a tort. Nous regrettons de ne pouvoir le suivre ainsi pas à pas, nous aurions encore à relever un certain nombre d’erreurs, par exemple celle-ci, qu’il peut y avoir plus de trois termes dans un raisonnement, qui me paraît une simple confusion ; contentons-nous d’indi-

  1. Fausse subtilité des figures du syllogisme.