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de sens : ne l’en plaignons pas, puisqu’il n’y peut plus atteindre.

Il y a deux sacrements naturels, la repentance et le mariage. Le lit est saint, l’union des sexes est un sacrement lorsqu’elle s’accomplit dans l’amour ; hors de l’amour, elle est mensonge et sacrilège. Posséder ce qu’on aime, aimer ce qu’on possède, mais l’aimer véritablement, et par conséquent, le respecter d’une vénération sincère, que l’ivresse des sens exalte et que le calme des sens n’abaisse pas, c’est l’immortalité dans une heure, un son dont le retentissement se prolonge à travers les années, un éclair qui nous luit toujours. Ce bonheur ne saurait exister en dehors du mariage. L’amour dont il procède n’est pas l’effet d’une passion fortuite ni d’une simple affinité naturelle, l’objet en a subi l’épreuve du jugement, et pour le savourer, cet amour, que nous n’inventons point, il faut en avoir cultivé le germe, il faut avoir travaillé sur soi-même, ce n’est pas l’affaire d’un jour.

Ce mariage, seul vraiment satisfaisant pour un couple digne de représenter l’espèce et capable de l’améliorer, est aussi le meilleur pour les enfants, qui ont besoin de leurs parents fort longtemps, qui ont toujours besoin d’en être aimés, de les aimer, de les savoir heureux et dans l’ordre. C’est le seul propre à fonder la famille en tant qu’institution permanente. Mais une telle consécration réciproque, une si complète fidélité ne sauraient être que volontaires : la loi n’y peut rien. Elles pourraient exister dans un rapport précaire, s’il était deux êtres assez sûrs l’un de l’autre, assez indépendants de l’opinion, assez fiers pour s’unir sincèrement à fin perpétuelle sans faire intervenir la société dans leurs accords. Il n’est donc pas besoin que le législateur impose une forme dont il ne saurait procurer le fond. La seule considération juridique dont il se puisse autoriser pour restreindre la liberté des contrats en cette matière est celle de la sanction indispensable à l’obligation du père, sanction que la publicité des unions à terme procurerait d’une manière bien imparfaite, mais assurément préférable au régime actuel, où cette obligation est absolument méconnue. Quant à la famille comme institution permanente, en dehors du lien qui unit deux générations, nous comprenons que la valeur morale en soit discutée, quoique nous penchions à l’admettre. Au point de vue juridique, elle est contraire à l’esprit de la moderne démocratie, dont le mérite positif fait sans doute aussi question.

L’évidente supériorité du mariage formé pour la vie, loin d’impliquer pour la loi civile une obligation de le garantir exclusivement, n’impose pas même celle de le reconnaître comme contrat régulier. Au point de vue simplement juridique, l’hymen indissoluble soulè-