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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

certains sujets, ne sont pas les plus raffinés en général, comme il peut juger de mauvais ton, pour des raisons analogues, de fumer ou d’aller au café), une pudeur provenant en grande partie de l’éducation donnée aux enfants qui leur interdit de demander des renseignements sur certaines matières ou d’en parler, ou même d’y faire allusion : si toutes ces circonstances sont réunies, ce qui est peut-être rare, mais ce qui arrive quelquefois, il arrivera que les sentiments suscités s’adapteront aux sentiments déjà existants, l’idée de l’acte sexuel sera écartée, seule l’idée du rapprochement subsistera avec les sentiments qui l’accompagnent, sympathie, admiration, etc., et les sentiments accessoires qui peuvent la favoriser, désir de se rendre digne d’amour, désir de la gloire, etc., etc. On voit facilement comment au fond de toutes ces modifications psychiques, se retrouvent les lois générales de l’association et de la sélection. Et, s’il arrive que, plus tard, les désirs physiques viennent à se faire sentir de plus en plus fortement et de manière à ne plus pouvoir être complètement repoussés, ils ne pourront cependant prendre place dans le système déjà formé ; il y aura lutte (loi de sélection) et s’ils peuvent parvenir à subsister, ils formeront un système à part ; l’amour qui, dans une organisation complètement systématisée, ne ferait qu’un tout harmonieux, se trouve ici partagé en deux parties, amour de cœur et amour de sens qui n’auront pas grand’chose de commun, se satisferont à part et auront des objets différents.

Il est facile de voir que dans l’exemple précédent les lois que nous avons énoncées suffisent à expliquer tous les phénomènes. On pourrait multiplier les exemples. Mais il vaut mieux venir à d’autres considérations. On peut objecter, en effet, que ces lois n’expliquent pas entièrement le caractère en ce sens qu’elles le prennent déjà avec une certaine organisation, elles n’expliquent pas les premières tendances. Je me bornerai à faire remarquer que ce serait sortir du sujet que de vouloir expliquer la formation du premier organisme, car c’est là ce qu’il faudrait faire. Si nous prenons en effet un homme de nos jours, en cherchant les origines de son caractère, nous sommes obligés, arrivés à sa naissance et remarquant que là même il a déjà une certaine organisation et que l’embryon même n’est pas une masse indifférente, nous sommes obligés de remonter à ses parents, puis à ses ancêtres les plus éloignés, aux premiers hommes, aux animaux anthropoïdes qui leur donnèrent probablement naissance et ainsi de suite jusqu’aux origines de la matière vivante, et peut-être jusqu’aux origines de la matière brute. Ces problèmes ne sont pas de ceux que l’on peut résoudre actuellement et il n’y aurait en tout cas aucun profit à les soulever ici. Il suffit d’avoir