Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/594

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
590
revue philosophique

par lès trois lois ci-dessus énoncées. Voyons par exemple ce qui se passe au moment de la puberté, à ce moment où le changement de caractère est généralement assez marqué et où un assez grand nombre de nouvelles tendances naissent ou se développent. Le développement des organes de la génération et leurs nouvelles fonctions sont un établissement de nouvelles tendances : nous allons voir comment par l’effet des lois de la formation du caractère elles vont amener un développement de tendances nouvelles et anciennes, et la formation de nouveaux systèmes partiels d’impulsion et de sentiments.

La tendance développée par le nouvel état des organes est en elle-même une tendance à l’amour physique, elle se manifeste à la conscience d’une manière plus ou moins claire, mais elle agit toujours sur les autres sentiments de manière à les modifier considérablement. Remarquons d’abord la différence de ses effets selon les diverses natures psychiques qu’elle vient troubler. Nous avons une tendance à certains actes déterminés causée par une organisation physique. Cette tendance arrêtée se manifeste psychiquement par certaines émotions plus ou moins vagues. Selon les diverses organisations, selon les divers systèmes psychiques qu’elle rencontrera, il arrivera, ou bien qu’elle tendra simplement à se satisfaire, ou bien qu’elle tendra à se satisfaire tout en éveillant un cortège nombreux de sentiments accessoires et d’images et d’idées particulières ou bien qu’elle sera arrêtée dès ses premières manifestations et comprimée autant que possible ; chez d’autres enfin elle peut arriver par les images qu’elle éveille, par les sentiments secondaires qu’elle suscite, et par la tournure que donne à ce sentiment le système des idées et des sentiments existant déjà, elle peut arriver à un sentiment d’amour platonique, qui est une impulsion tout à fait différente de l’impulsion primitive et même opposée à elle sur certains points. Examinons ce dernier cas. Il est assez curieux et nous montrera à l’œuvre les deux lois d’association et de sélection. L’impulsion de l’amour physique tend à rapprocher l’homme de la femme, de plus il lui inspire (association) le désir de faire tout ce qui peut le faire aimer, le mettre au-dessus de ses rivaux, le rendre digne d’admiration, etc. Jusqu’ici nous n’avons rien de particulier, mais si nous supposons que ces dispositions viennent à se produire dans une organisation où dominent déjà des sentiments de timidité, et un certain dédain pour la vie matérielle et les plaisirs qui passent pour grossiers (ce jugement porté sur l’accomplissement des actes sexuels est naturel chez un jeune homme tel que nous le supposons, qui peut remarquer que ceux de ses camarades de son âge qui se vantent de leurs prouesses ou se complaisent le plus à parler bruyamment de