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Zeller ; dans mon article précité sur Héraclite, j’ai déjà soutenu l’opinion contraire de Teichmüller et je n’ai pas à revenir sur ce point. Je remarquerai seulement que la question se pose presque dans les mêmes termes pour les premiers Ioniens et que, pour Héraclite en particulier, je serais même disposé à aller un peu plus loin que Teichmüller en attribuant au θεῖον de l’Éphésien, non seulement la conscience, mais même un certain degré de personnalité.

S’il est, en effet, incontestable que les grands penseurs grecs à partir de Platon, sinon des Eléates, tout en reconnaissant la conscience à l’intelligence suprême, en ont exclu la personnalité, où ils constataient des éléments contingents propres à l’individu, et ne pouvant être, dès lors, attribués à l’Être absolu, il me semble difficile d’admettre qu’Héraclite, surtout avec ses tendances religieuses spéciales, se soit déjà élevé à cette profonde distinction, et les expressions dont il se sert, pour métaphoriques qu’elles puissent être, ne me paraissent guère pouvoir être mises en accord avec l’opinion que je mets en doute.

La quatrième partie de l’ouvrage de M. Soulier est relativement moins approfondie que les précédentes, et je me bornerai à quelques rapides observations à son sujet.

Sur la question très controversée du sort des âmes après la mort, M. Soulier se contente de remarquer que les principes physiques d’Héraclite auraient dû lui faire conclure à l’anéantissement de toute identité personnelle, mais l’Éphésien ne se serait nullement préoccupé de ces conséquences, et aurait simplement admis une partie des opinions courantes, sans que cette partie puisse être exactement précisée.

Les principes éthiques et politiques d’Héraclite paraissent mieux d’accord avec ses doctrines physiques, et M. Soulier a heureusement fait ressortir le lien qui leur donne l’unité, tandis que, pour ce qui concerne les croyances religieuses du philosophe, il conclut dans un sens opposé et croit plutôt à un compromis avec les opinions populaires, de même que sur la question de l’immortalité de l’âme.

Quoique M. Soulier se soit efforcé de préciser sur quels points Héraclite n’avait pas craint d’attaquer les superstitions et les erreurs de son temps, et d’expliquer comment il avait pu, pour le reste, chercher un accommodement entre ses propres croyances et les formes mythologiques courantes, malgré la haute valeur que présentent, d’autre part, nombre de judicieuses observations contenues dans ce dernier chapitre, je n’en crois pas moins que c’est là surtout que se fait sentir la lacune que je signalais plus haut dans son ouvrage et sur laquelle je crois inutile d’insister à nouveau.

J’ajoute ici l’indication de quelques corrections spéciales qui me paraîtraient à faire.

Page 1. Le texte de Diogène Laërce (VIII, 52), d’après lequel Aristote aurait dit qu’Héraclide serait mort à soixante ans, est beaucoup trop douteux pour qu’on puisse l’invoquer ; d’après la leçon la plus probable, ce texte signifie qu’Héraclite (du Pont) aurait donné, aussi