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ANALYSES.fornelli. Educazione moderna.

À plus forte raison attribuerai-je une influence morale à l’étude sympathique et appropriée des faits sociaux et politiques. L’auteur traite avec soin, et avec un sentiment très vif de patriotisme, ce côté important de son sujet. Il fait aussi sa part à l’histoire envisagée comme source de vérités sociales et politiques ; il réclame un catéchisme moral politique, comme nos grands conventionnels le voulaient pour la jeunesse, et comme on a tant reproché naguère à nos hommes d’État de le vouloir. Surtout il estime qu’on doit parler au peuple beaucoup plus de ses devoirs que de ses droits : pourquoi pas des uns en même temps que des autres ? Il croit qu’on doit lui inculquer le sentiment, non pas de l’égalité, mais de l’équivalence en dignité et en importance de tous les modes de l’activité humaine. Je m’étonne, à ce propos, que l’auteur ait complètement oublié l’enseignement du travail manuel dans les écoles : cet enseignement est un corollaire de l’instruction scientifique et obligatoire, une garantie contre le danger des demi-savants et des déclassés ; il doit avoir, dès l’école, tout comme l’exercice militaire, mais à un autre point de vue, son influence morale et sociale. Voici encore un point qui me paraît appeler une restriction : pour mieux préparer la jeunesse à coopérer à la chose publique, M. Fornelli entend qu’on l’habitue à discerner les vrais des faux amis de la liberté, ou de ceux qu’il appelle, d’un terme assez douteux, et en tout cas bien démodé, des Rabagas. Sans doute, l’histoire contemporaine fait partie du programme de l’enseignement secondaire, et elle doit faire partie de celui des classes primaires. Mais, comme à faire le départ délicat dont parle l’auteur, on risquerait d’introduire la passion et le désordre dans l’école transformée en miniature de réunion publique !

Je n’ai qu’à louer les considérations de l’auteur sur la nécessité de préparer par l’instruction de bons pères et de bonnes mères de famille ; mais j’appuierais encore sur la nécessité d’introduire un certain enseignement de la pédagogie dans les écoles des deux sexes et de tout degré. L’auteur dit aussi d’excellentes choses sur l’enseignement, soit empirique, soit scientifique, des beaux-arts, et spécialement de la musique, cette gloire et cette aptitude naturelle du peuple italien. Il parle avec toute compétence de la question si importante et si débattue aujourd’hui de la discipline : il adopte, et pour mon compte je l’approuve assez, la discipline des conséquences naturelles, appliquée avec le concours de l’expérience et de la raison enfantine. Enfin, disciple trop fidèle d’Herbart, il repousse la théorie du développement harmonique et égal des facultés : elle lui paraît pédagogiquement et psychologiquement fausse. Sans doute, il n’y a pas, à proprement parler, une seule mémoire, une seule attention, une seule raison, mais plusieurs espèces ; sans doute encore, chaque faculté indéfiniment spécialisée a besoin de modes spéciaux d’exercice pour se développer. Mais il ne faut pas oublier que le développement d’un seul genre de mémoire ou d’observation, ou d’imagination, profite, en vertu de l’association possible des images et des idées, à toutes les autres espèces. On a toujours plus de