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dent de Kant dont le schématisme et toute la philosophie transcendentale reposent sur la construction logique et non intuitive des phénomènes intérieurs, tandis qu’il prend son point de départ dans la psychologie ethnique et particulièrement dans la philologie.

A. F. Pott. Les nombres à signification cosmique, spécialement chez les Indous et les Grecs ; importance des généalogies dans le mythe (1er article). — L’homme résout à l’origine les problèmes les plus difficiles avec une ingénuité remarquable ; à côté du monde réel, il place un monde qu’il crée lui-même, qu’il considère cependant comme le seul monde réel et qu’il fait gouverner par des êtres semblables à lui, mais supérieurs en sagesse et en force. De là les mythes dont les peuples civilisés ont tant de peine à se débarrasser. En les étudiant, on peut se renseigner sur l’origine de notre race, sur son caractère primitif, comme sur la manière dont elle résolvait toutes les questions que comporte l’énigme cosmogonique. Mais pour comprendre une personnalité mythologique, sa parenté, ses alliances et l’explication étymologique ont une valeur considérable. C’est ce que montre Pott à propos des chanteurs thraces, des Géryon dont parle Lucrèce (v. 28), des Centaures, les puissances obscures de la nature, des Lapithes, les êtres lumineux, etc. Les nombres ont joué dans la mythologie grecque un rôle assez considérable ; dans la mythologie indoue, un rôle très important. Les Indous et les Javanais désignent les nombres par des mots ; les Chinois unissent un nombre déterminé avec certains mots pour exprimer la pluralité ou la totalité. Les divinités sont représentées comme Janus, avec un nombre supérieur de membres. La division du temps n’est pas partout la même. Le nombre des parties de l’année, des mois, des jours varie chez les Indous et chez les Grecs ; de là le rapport de Triopas avec les trois saisons de l’année, d’autres êtres mythiques avec d’autres divisions du temps ; des trois temps, passé, présent, futur, avec les trois Normes germaniques et les trois Parques grecques ; de là encore Diane au triple aspect, les Amphion sous lesquels se cachent des révolutions sidérales ; enfin d’autres êtres mythiques, Niobé par exemple, et leurs rapports avec les lumières célestes.

G. Soldan. Le livre des merveilles (Libre de Meravelles), de Raymond Lulle. — Analyse intéressante d’un ouvrage manuscrit de Raymond Lulle dont un chapitre seulement a été publié par K. Hofmann. Dans un pays étranger, dit Lulle, vivait un jour un homme qui s’étonnait de ce que les hommes connaissent et aiment aussi peu le Dieu qui, dans sa bonté, a créé pour eux l’univers. Il envoie son fils Félix voyager à travers le monde pour lui faire connaître d’un côté la bonté et la grandeur de Dieu qui apparaissent dans les merveilles de la création, et de l’autre l’ingratitude des hommes et leur tendance au péché. Félix obéit et se met à parcourir l’univers, fréquentant toutes sortes de gens et se faisant expliquer ce qu’il ne comprend pas. R. Lulle fait avec ces explications dix chapitres qui constituent une espèce d’encyclopédie comme celles qui furent en si grand nombre composées au moyen âge. Il y traite de