Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 69.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
442
revue philosophique

réciproquement, toute condition susceptible d’affaiblir et d’éteindre la vie affective et l’activité psychique est favorable à l’avarice.

Ces deux principes nous serviront de guides dans cette étude, où nous nous occuperons exclusivement des facteurs sociaux, ethniques et familiaux.

L’influence des professions est incertaine et, probablement, fort minime. Toutes sont compatibles avec l’avarice, puisque toutes ont pour but un gain sur lequel peut s’exercer l’épargne. Mais on ne voit pas que dans aucune la proportion d’avares soit plus forte que dans les autres. — Une opinion assez commune est que les professions où l’individu est en rapport constant avec l’argent prédisposent à l’avarice. C’est là une conception fausse et passablement puérile. La banque ne fournit pas plus d’avares que les autres professions. En bonne logique c’est même là que l’on doit en rencontrer le moins. En effet l’habitude de manier de grosses sommes, de jongler en quelque sorte avec l’argent, d’exposer des capitaux, de vivre avec le risque, peut être considéré comme un élément de défense de premier ordre contre l’avarice.

Il est tout aussi peu justifié de considérer comme prédisposant à l’avarice les professions où le labeur est intense.

On dit que seuls connaissent bien la valeur de l’argent ceux qui ont peiné pour le gagner. C’est vrai, partiellement tout au moins. Mais le fait de « connaître la valeur de l’argent » n’implique nullement qu’on soit avare. Au contraire. Car on peut soutenir sans paradoxe que pour l’avare l’argent n’a pas sa valeur réelle. Le mot du passant à l’homme qui a perdu son trésor : « Mettez une pierre à la place et elle vous vaudra tout autant », exprime admirablement cette vérité.

Ce ne sont ni ceux qui ont beaucoup travaillé ni ceux qui ont lutté dans la vie qui deviennent des avares. Si je parcours mes observations, je ne vois aucun de mes malades qui se soit trouvé aux prises avec de grandes difficultés. Plusieurs étaient des femmes dont la vie s’écoulait facile et tranquille avec un minimum d’effort. D’autres étaient des propriétaires dont toutes les occupations se bornaient à surveiller leurs terres et à encaisser leurs