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rogues de fursac. — les causes de l’avarice

revenus. Je trouve quelques hommes et femmes du peuple, la plupart originellement dans l’aisance ou du moins gagnant largement leur vie. Il y a bien une mendiante ou plutôt une demi-mendiante. Mais nous savons que la mendicité est, de tous les métiers, sinon celui qui donne la vie la plus belle, du moins celui qui permet la vie la moins laborieuse.

Il faut prendre le problème de plus haut et considérer non les multiples professions entre lesquelles se partage le labeur humain, mais plutôt deux grandes classes d’individus, ceux qui vivent du produit de leur activité et ceux qui vivent de leurs revenus, les travailleurs et les rentiers. Division simpliste et artificielle, dira-t-on, bonne tout au plus pour une affiche électorale.

Simpliste, peut-être. Cependant c’est encore celle qui convient le mieux à l’état social actuel. Artificielle, je le reconnais. Il y a des rentiers qui sont en même temps des travailleurs, il y a des travailleurs qui, à un moment donné, vivent du produit de leur travail antérieur et par cela même passent dans la classe des rentiers. Sans doute, mais là comme toujours quand on veut voir un peu clair dans un problème de psychologie, on est forcé de schématiser et le fait que, pour les besoins de l’étude on est obligé de considérer des types extrêmes et de les opposer l’un à l’autre, n’implique pas la négation de la série presque indéfinie d’intermédiaires qui les réunit.

Cela posé et cette restriction très nécessaire faite, il est facile de prévoir que c’est dans la classe des rentiers que se rencontreront les avares les plus nombreux, cela pour deux raisons :

La première est que la possibilité de vivre oisif supprime l’excitant le plus efficace de la sensibilité morale et le plus puissant stimulant de l’activité. La plupart des hommes ne travaillent que poussés par la nécessité. La sécurité du lendemain amène souvent — non toujours car nous verrons qu’il y a des correctifs — une indifférence et une apathie qui préparent admirablement le terrain pour l’avarice.

La seconde raison est que la plupart des rentiers sont en même temps, à des degrés divers, des propriétaires ou des capitalistes. La plupart possèdent soit un patrimoine, soit des économies antérieurement réalisées qui constituent un noyau d’appel pour les économies futures et un stimulant pour l’épargne. On dit que l’argent