Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les sentimens vous paroissent généreux ? Je m’oppose durement, dites-vous, aux tendres intentions d’un vieillard vénérable. Je ne veux point consentir à cette adoption qui le combleroit de joie. Ah ! c’est de tout mon cœur que je méprise aujourd’hui et le titre de sa fille et le motif qui l’engage à vouloir me le donner. Ce vieillard fut sourd à mes cris, quand ma profonde misère me fit tomber à ses pieds. Il fut insensible à mes larmes dans un temps où ses moindres secours auroient pu fixer ma destinée, la rendre heureuse ; il devoit alors me sauver des dangers auxquels l’indigence expose une fille jeune, libre, indépendante, qui n’a jamais connu le besoin, et s’y trouve abandonnée ; se voit tout-à-coup précipitée d’un état aisé dans la foule des misérables, de ces infortunés condamnés par la pauvreté à rétrécir leur intelligence, à la borner au soin de pourvoir à la pressante nécessité de conserver leur vie : dure condition ! qui oblige de souffrir tout le jour, pour se procurer les moyens de souffrir encore le lendemain.

Je pardonnerois peut-être à milord Alderson les peines que sa cruauté m’a fait sentir ; je ne puis lui en pardonner les suites qu’il auroit dû prévoir. On oublie le malheur ; le temps en affoiblit le souvenir : mais le sentiment de la honte est ineffaçable. C’est milord Alderson, ce sont ses refus cruels, qui m’ont réduite à rougir au seul nom de l’époux qu’il me destine : et je le reconnoîtrois pour mon aïeul ; j’accoutumerois mon cœur à le chérir, à le respecter ? Ah ! comment donner le nom de père à celui dont je fus traitée inhumainement ! Il m’a privée du seul bien que nous