Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/146

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voit déjà punie d’une faute irréparable. Elle frémissoit de l’indignation que sa fuite alloit élever dans le cœur d’un père offensé. Sans entreprendre de justifier une démarche dont rien ne pouvoit excuser la témérité, elle lui demandoit humblement pardon, en déplorant la cruelle nécessité de se soustraire à une autorité qu’elle respectoit, même à l’instant où, par sa conduite, elle sembloit la braver. Elle laissa cette lettre sur sa toilette, sortit du château avant le jour, se rendit à la ferme où sa chaise l’attendoit. Après avoir libéralement récompensé la fermière, elle partit avec Lidy, et arriva à Londres le soir du lendemain.

L’éloignement de ladi Sara, et sa lettre portée à milord Alderson, le mirent dans un étonnement dont il ne sortit que pour se livrer à la fureur. La cassette, retrouvée chez sa fille, lui parut une preuve qu’elle s’étoit ménagé un asile où elle ne craindroit pas le besoin. Il la crut retirée à Wersteney, ou auprès de quelque amie du comte de Revell. Cédant à son premier mouvement, il écrivit à ce seigneur avec toute la fierté et l’aigreur qui lui étoient naturelles. Il ne demandoit pas à être informé de la retraite d’une fille trop indigne de lui appartenir ; il ne lui feroit pas l’honneur de chercher à la sauver de sa propre imprudence ; il prioit seulement milord Revell de l’assurer de sa haine, de son mépris, d’un éternel abandon de sa part. « Je ne me souviendrai d’avoir été son père, disoit-il, en terminant cette terrible lettre, que pour prononcer sur elle la malédiction qu’attire sur sa tête un enfant ingrat et rebelle. Je vais détruire à jamais ses espérances temporelles, et je