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Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/14

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LES BLASPHÈMES

d’une religion organisée, quelle qu’elle soit, et à leurs yeux je ne commets rien moins qu’un sacrilège en éventrant leurs idoles pour en montrer l’inanité. Derrière eux, s’insurgeront tous les Déistes plus ou moins déguisés, religiosâtres comme les autres sont religieux, adorateurs d’un Être suprême, d’une Conscience universelle, d’un Grand-Tout quelconque, depuis les Libres-Penseurs qui ne se raccrochent qu’à la ridicule trimourti du Vrai, du Beau et du Bien, jusqu’aux Panthéistes qui, à force de souffler dans la baudruche du Dieu impersonnel, la font crever à l’infini.

Malgré leur tolérance, les sceptiques s’irriteront de mes affirmations audacieuses ; et je serai accusé d’impertinente métaphysique par les positivistes, ces ramasseurs de bouts de faits.

Les matérialistes eux-mêmes, ou du moins ceux qui se disent tels et qui sont assez inconséquents pour parler des causes et des lois, me trouveront criminel et dangereux, de remplacer ces causes par des hasards et ces lois par des habitudes.

Les hommes de science ne consentiront jamais à mépriser les formules des découvertes qui font leur gloire et à les considérer comme une pure logomachie.

Les bonnes gens sans prétention philosophique, mais qui se pavanent impérialement dans leur qualité d’homme et qui se donnent de l’encensoir à travers la figure, sous prétexte d’honorer la Raison, ces aimables déificateurs d’eux-mêmes, saigneront des coups que je porte à la suffisance humaine, et se révolteront en me voyant cracher dans leur stupide encensoir.