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LES BLASPHÈMES

Les sages, et voici ce que nous avons vu.
De lois et de ressorts l’Univers est pourvu.
Une âme est dans le monde, et les Dieux sont en elle
Pour diriger de tout l’harmonie éternelle.
Nous les voyons là-haut ; nous les sentons en nous ;
Ils sont très grands, ils sont très bons. Homme, à genoux !
Et si tu reconnais que c’est un bien de vivre.
Si le soleil te chauffe et si l’air pur t’enivre,
Si la terre a du blé, si les fleurs ont du miel,
S’il est doux d’habiter sous le dôme du ciel,
Dans les champs nourriciers, dans les forêts ombreuses,
Parmi les fruits, parmi les peuplades nombreuses
Des animaux domptés dont on est souverain,
Si le présent est calme et l’avenir serein,
Si rien ne manque à ton bonheur, à ta pâture,
Si tu te sens enfin chez toi dans la nature,
A genoux ! Et rends grâce aux Dieux ! Ils ont tout fait.
Écoute encor. La mort autrefois étouffait
Ton pauvre cœur rêvant de choses immortelles
Et vers l’amour sans fin voulant ouvrir ses ailes ;
Et tu pleurais, devant la mort de l’être aimé.
Ton espoir avec lui dans la tombe enfermé.
Eh bien ! ne pleure plus. Ta chair est asservie
A la mort ; mais ton âme entre dans l’autre vie
Dont la porte céleste a pour clef le trépas ;
Et ton amour vivra, car l’âme ne meurt pas. »