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Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/189

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LA MORT DES DIEUX

D’aucuns restèrent clos à ce tendre Évangile.
Se sentant faits, non pas d’extase, mais d’argile,
A jouir de la terre ils oubliaient les cieux.
Ces brutes n’y voyaient pas plus loin que leurs yeux !
Ils mangeaient, ils buvaient, ils engrossaient les femmes.
Et ce bétail, quand on parlait des Dieux, des âmes,
A la barbe du ciel de rire s’esclaffait,
Ayant l’impiété d’être très satisfait.
Alors, nous connaissant lâches comme nous sommes,
Les prêtres ont menti pour effrayer les hommes.
Ils ont dit : « Écoutez mugir le ciel profond !
Le pas pesant des Dieux sonne sur le plafond,
Et l’on sent leur colère éparse dans l’espace.
Le vent qui hurle, c’est leur haleine qui passe.
L’éclair est leur clin d’œil torve. Les ouragans,
Qui vont cassant l’échine aux chênes arrogants.
Qui font bouillir la mer ainsi qu’une lessive,
Qui, des solides monts déchirant la gencive,
En arrachent les rocs comme des dents d’enfant,
Qui retournent le ciel tel qu’un jupon bouffant,
Ne sont rien que des mots qui tombent de leur bouche.
Et le Déluge blême, échevelé, farouche,
Au corps de brume, aux mains de pluie, aux yeux fondus,
Le Déluge n’est qu’un de leurs crachats perdus.
Les profonds tremblements de terre sont leurs gestes.
La Misère, la Faim, les Fièvres et les Pestes,