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Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/190

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LES BLASPHÈMES

Louves maigres, chacals rampants, hyènes de nuit,
Dont la babine pend en lambeau qui bleuit,
Les Pourritures, race aux haleines aigries,
Le troupeau pantelant des fauves Hystéries,
Les Délires, dont les yeux blancs sont retournés,
Et la Lèpre sans forme, et les Cancers sans nez,
Meute aux mufles hideux, crocs aigus, langues réches,
Ayant soif de sang chaud et faim de viandes fraîches,
Tiennent l’arrêt aux trous de notre noir clapier
Et sont les chiens des Dieux dont l’homme est le gibier.
Malheur à l’incrédule et malheur à l’impie !
Dans l’ombre veille un œil sinistre qui l’épie.
En quelque lieu qu’il aille, il ne pourra marcher
Sans être en butte aux traits d’un invisible archer.
Tout le menace, l’air, l’eau, le feu, son cœur même.
Il est en proie. Et tout le hait, et rien ne l’aime.
Le bonheur empoisonne et la volupté mord.
La vie a pour pavés les pièges de la mort.
Encore si la mort vous délivrait des craintes !
Mais non ! L’Enfer vous prend dans ses chaudes étreintes,
Et pour avoir péché, ne fût-ce qu’un moment,
On va souffrir sans trêve un éternel tourment.
Écrasés sous le poids du mal qui les accable,
Entendez-vous crier vers le ciel implacable
Tous ces suppliciés, lamentable troupeau,
Qui portent leur supplice incrusté dans leur peau ?