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Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/39

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LA VIE

Charpie où s’emmaillotte et s’endort notre rêve,
Comme un enfant blessé dont on ferme les yeux.

Ah ! notre rêve, c’est de voir ton avalanche,
O neige, ensevelir tout espoir, tout remord.
Tombe ! Lorsque la terre est morne et toute blanche.
Nous nous imaginons que l’univers est mort.

O joie ! Ô joie ! Après tant de métamorphoses,
La Nature, à la fin, sentant son ventre las
D’entretenir la vie et d’enfanter les choses,
Aux germes à venir a donc sonné le glas !

Elle ne veut plus voir vers le lac de sa bouche
Haleter les Hasards, son troupeau de maris.
A leur rut méprisé sa matrice se bouche.
Elle croise ses bras sur ses tétons taris.

Puis, de l’immensité se faisant une tombe,
Elle s’y couche, les yeux clos et les pieds joints,
Et, drapée au linceul de la neige qui tombe,
Éteint tous les soleils pour mourir sans témoins.

Et maintenant, plus rien de vivant ne s’élance,
Ne s’agite, ne va, ne vient, en se créant.