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Page:Richepin - Les Blasphèmes, 1890.djvu/68

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LES BLASPHÈMES

XX

LES VRAIS SAVANTS


Cet aveugle béat sous sa porte cochère,
Ce môme qui d’un pas rythmé suit les tambours,
Ce gas de ferme qui, tout suant des labours,
Au revers d’un fossé culbute une vachère,

Ce gniaffe dans son trou, ce prêtre dans sa chaire,
Ce chaudronnier errant qui va de bourgs en bourgs,
Ce joueur de piquet qui fait des calembours,
Tous ces simples dont la cervelle est en jachère,

Comme ils ont l’air heureux de n’avoir rien compris !
Sans doute, être idiot, c’est payer d’un bon prix
Ce bonheur-là. Mais quoi ! Si l’instant les enivre,

S’ils ont l’art d’en jouir sans se mettre en émoi,
Au moins ont-ils goûté la volupté de vivre ;
Et c’est eux les savants ; et l’idiot, c’est moi.