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LES ÎLES D’OR

Il en est où l’Avril est la saison sans fin,
Un tiède Avril, au ciel d’émeraude et d’or fin
Dans lequel une aurore éternelle rougeoie.
Il en est ou des gens vivent toujours en joie,
Souriants, généreux, au seuil hospitalier,
N’ayant d’autre souci qu’à vous faire oublier,
Dans les quelques bons jours qu’ils vous donnent à terre,
Le réembarquement sur la mer solitaire.
Il en est dont le bord, loin d’être inhabité,
Pullule d’une énorme et splendide cité
Aux quais tumultueux regorgeant de tavernes.
Et celles-là, souvent, c’est toi qui les gouvernes,
Ô Roi qui règnes, doux, dans les vieilles chansons,
Roi des contes de fée, ayant des échansons,
Des cuisiniers, des fous et des coquecigrues
Pour ministres, bon Roi qui veux que par les rues,
Des matins jusqu’aux soirs, des soirs jusqu’aux matins,
Ton peuple soit toujours en noces et festins.
Ô les grasses cités d’orgiaque tapage !
Débarquons ! Tout le monde à quai ! Tout l’équipage
En bordée ! Et la fête aux plus gueux, sans débours !
Lampions, torches, feux d’artifice, tambours,
Cortèges, chœurs, ballets, pantomimes et farces !
Tout le long des trottoirs, des guirlandes de garces
À la bouche de rose, aux clins d’œil assassins,
Laissant mordre gratis les fraises de leurs seins !