Page:Richepin - Mes paradis, 1894, 2e mille.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
MES PARADIS


Robinson naufragé, seul, et que tout menace,
Et que rien n’aide, sauf lui-même, m’a fait voir
Que voici le suprême et l’unique devoir :
Vouloir bien ce qu’on veut, et d’un vouloir tenace.

Aux Mille-et-une nuits, loin des réalités,
J’ai pris la passion des féeriques mensonges
Où l’art donne à songer d’interminables songes
Par tout ce qu’on désire et qu’on aime habités,

Des songes dont soi-même on créa la merveille,
Et dont vos yeux rouverts resteront les flambeaux,
Et si magiquement beaux qu’ils demeurent beaux
Même quand on les conte à qui vous en réveille.

Uncas, Œil-de-Faucon, l’homme au silencieux
Sourire, m’ont appris à vivre solitaire,
À chérir la nature effrayante, à me taire,
Et l’amour de la race errante aux pâles yeux.

Et don Quichotte ! Ô bon chevalier de la Manche,
Je le retrouverai, l’armet que tu perdis.
La semaine qui vient aura quatre jeudis,
Ou plutôt ne sera qu’un éternel dimanche.