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LES ÎLES D’OR


L’incrédule Sancho, patron des raisonneurs,
Eut bien son île ! Et même, il l’a bien gouvernée.
Et nous aurons aussi, nous, notre Dulcinée,
Dont l’honneur nous suffit, à défaut des honneurs.

Ah ! les chers livres ! Quoi que je rêve, que j’ose,
Jamais ils ne m’ont dit que c’était hasardeux.
Tout ce que j’ai de bon, de noble, me vient d’eux,
Et tout ce que je vaux, si je vaux quelque chose.

Aussi les ai-je lus et relus et relus,
Bénissant chaque fois la main qui la première
M’ensemença le cœur de ces grains de lumière,
De ces vivants soleils que rien n’éteindra plus.

Oh ! non, rien, désormais, rien, père, je l’atteste !
Car voici que bientôt c’est l’automne et déjà
Dans la nuit de ma barbe un peu d’hiver neigea,
Et pourtant, tel j’étais le poil noir, tel je reste.

Tout ce que m’ont donné mes chers livres, les tiens,
Je le garde. Vouloir, lutter, droit et sincère,
Mettre mon cœur entier dans la main que je serre,
Sans doute est-ce aujourd’hui niais ; mais je m’y tiens.