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MES PARADIS

Il me semble t’avoir seulement vue en rêve ;
Île dont cependant l’apparition brève
M’emplit de longs espoirs et d’hymnes radieux,
Et ravive ma soif d’être un des demi-dieux
Que nul tourment n’arrête et nul trépas n’effraie
Quand il faut affirmer que ta splendeur est vraie ;
Île dont je chéris plus qu’eux le fol azur,
Car j’ose l’affirmer, moi, sans en être sûr ;
Île dont la splendeur, fût-elle mensongère,
Suffit à m’éjouir par ce qu’elle suggère
De grand, de saint, de pur, de bon, de doux, de gai ;
Île dont jusqu’au bout, héraut infatigué,
Je dirai les attraits, quand ce serait des leurres,
Rien que par gratitude envers les belles heures
Que ces illusions vous tissent en passant ;
Île dont, malgré tout, héraut reconnaissant,
J’annonce ainsi la gloire et la gloire et la gloire ;
Île que j’aime enfin, même en cessant d’y croire,
Assez pour désirer que d’autres plus heureux
Puissent y croire, assez pour appeler sur eux
La bénédiction de ton ciel de merveille,
Assez pour proclamer que ton aube s’éveille
Quoique mes yeux soient soûls de l’ombre où nous errons,
Assez pour emboucher les plus âpres clairons
Et pour y bucciner ta marche triomphale,
Dussé-je en y soufflant ce souffle de rafale