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HYPOTHÈSES QUI SERVENT DE FONDEMENT À LA GÉOMÉTRIE.


culier les grandeurs étendues, n’a jamais été l’objet d’aucune étude. En conséquence, je me suis posé d’abord le problème de construire, en partant du concept général de grandeur, le concept d’une grandeur de dimensions multiples. Il ressortira de là qu’une grandeur de dimensions multiples est susceptible de différents rapports métriques, et que l’espace n’est par suite qu’un cas particulier d’une grandeur de trois dimensions. Or, il s’ensuit de là nécessairement que les propositions de la Géométrie ne peuvent se déduire des concepts généraux de grandeur, mais que les propriétés, par lesquelles l’espace se distingue de toute autre grandeur imaginable de trois dimensions, ne peuvent être empruntées qu’à l’expérience. De là surgit le problème de rechercher les faits les plus simples au moyen desquels puissent s’établir les rapports métriques de l’espace, problème qui, par la nature même de l’objet, n’est pas complètement déterminé ; car on peut indiquer plusieurs systèmes de faits simples, suffisants pour la détermination des rapports métriques de l’espace. Le plus important, pour notre but actuel, est celui qu’Euclide a pris pour base. Ces faits, comme tous les faits possibles, ne sont pas nécessaires ; ils n’ont qu’une certitude empirique, ce sont des hypothèses. On peut donc étudier leur probabilité, qui est certainement très considérable dans les limites de l’observation, et juger d’après cela du degré de sûreté de l’extension de ces faits en dehors de ces mêmes limites, tant dans le sens des immensurablement grands que dans celui des immensurablement petits.


A. — Concept d’une grandeur de n dimensions.

En essayant maintenant de traiter le premier de ces problèmes, relatif au développement du concept d’une grandeur de dimensions multiples, je me crois d’autant plus obligé de solliciter l’indulgence des lecteurs, que je suis moins exercé dans les travaux philosophiques de cette nature, dont la difficulté réside plutôt dans la conception que dans la construction, et qu’à l’exception de quelques brèves indications données par M. Gauss dans son second Mémoire sur les résidus biquadratiques, dans les