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avoir un excellent exemple : « Ne di jamais de rien de ce monde j’ay perdu cela, mais je l’ay rendu. Ton fils est-il mort ? Il a esté rendu. Ton champ t’a il esté osté ? Il a aussi esté rendu… Que te chaut-il par qui celui qui te l’avoit donné l’a redemandé ?…  » S’il a suivi aussi fidèlement le texte grec, n’est-ce point que le traducteur avait compris tout ce qu’il y avait de pressant, d’impératif dans cette accumulation d’interrogations, dans ces réponses courtes et nettes ? Et que d’autres passages du même genre ne pourrions-nous pas citer ?

Toutes ces remarques nous permettent donc de conclure que Rivaudeau a vraiment fait preuve de talent ; non seulement il a pénétré l’âme du Manuel, mais il l’a fait revivre dans une traduction fidèle au lieu de se laisser aller au plaisir de la paraphrase et du commentaire. Il a compris qu’Épictète devait rester lui-même et ne gagnerait rien aux développements littéraires. Il fallait laisser à son Manuel cette-merveilleuse concision que requiert toute formule de commandement. Rivaudeau venait de fixer son sort. Il avait montré qu’il était possible de faire œuvre de littérateur, de moraliste et de philologue en respectant Épictète et en se contentant de le revêtir d’une forme correcte, élégante, pittoresque, éminemment française en un mot.

Après lui, les traducteurs suivront le même chemin, aucune tentative nouvelle de paraphrase ne sera tentée, si l’on en excepte la. Philosophie morale des stoïques, de Guillaume Du Vair, qui est plutôt un traité de morale inspiré du Manuel qu’une paraphrase de ce Manuel. Nous avons dû reste de lui une traduction très exacte du Manuel, dont il faut dire quelques mots puisqu’elle vient clore, en quelque sorte, cette série des traductions françaises au XVIe siècle.


CHAPITRE III.
LA TRADUCTION DU ‘‘MANUEL’’ DE GUILLAUME DU VAIR.

Cette traduction (1) est presque une traduction classique, et par la langue, qui est proche de celle du XVIIe siècle, et par l’exac-

(1) Cf. édit. de 1625, p. 314.