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je l’avoue sans modestie, ont été unanimes à me décerner des éloges doux à mon cœur. »

M. le Directeur, suivi de ses visiteuses, traversa le groupe des pensionnaires réunis dans le salon.

« Voyez la douceur empreinte dans leurs regards, dit-il tout bas à Mlle Malicorne ; le calme est rentré dans leurs âmes troublées… ils ont retrouvé la vertu, cette santé de l’âme !…

Hélène, qui marchait la dernière, se sentit soudain comme frôlée par un des vertueux pensionnaires du philanthrope, une légère secousse tirailla sa poche ; elle y porta la main et s’aperçut de la disparition de son porte-monnaie. Cependant, pour ne pas causer de chagrin au vénérable directeur, elle n’osa pas se plaindre.

— Voici les salles de récréation, dit le philanthrope en ouvrant une porte, vous voyez que tous les jeux ont été réunis, depuis le billard jusqu’à la roulette ; — oh ! une bien innocente roulette où l’on ne joue que des haricots. Les gens sédentaires, les amateurs de plaisirs tranquilles ont là, sous la main, le loto, les dames, le trictrac, les échecs. À gauche, c’est la bibliothèque : 30,000 volumes divisés en trois classes, épurés, demi-épurés et non épurés. Quand des pensionnaires nous arrivent, pour ne pas brusquer leurs idées et leur jeter tout d’abord une pâture intellectuelle trop sérieuse, nous leur donnons les volumes de la troisième classe, la littérature non épurée. Après quelque temps de séjour, quand leur tête s’est calmée et que la vertu commence à jeter quelques racines dans leur cœur, nous passons à la seconde classe : littérature demi-épurée, qui donne des sensations douces et tièdes ! Enfin, lorsque je les trouve suffisamment régénérés, nous arrivons à la troisième classe : littérature épurée ! Calme de l’âme, sérénité parfaite ! Certes, on ne se serait pas avisé autrefois de ces délicatesses un peu subtiles, mais, voyez-vous, mesdames, la délicatesse, tout est là !

— Tout est là ! répondit Mlle Malicorne.

— Pour les jeunes gens ou pour les tempéraments remuants, dit le philanthrope, nous avons un superbe gymnase et des jeux de jardin. Si vous voulez venir sous la colonnade, nous verrons tous mes pensionnaires à leurs jeux. Tenez, vous apercevez le grand jeu de boules, puis les quilles, les places asphaltées pour le bouchon… tout le monde s’en donne ! Rien de plus sain au moral comme au physique !

— Et vous êtes satisfait de vos pensionnaires ?