Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/407

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les pauvres diables qui n’ont pu épouser plus d’une femme ou deux sont obligés de travailler. Pour les autres, pour les gaillards qui ont eu la chance de conduire sept ou huit misses devant l’officier de l’état civil, la vie s’écoule heureuse et tranquille. J’ai pénétré dans quelques intérieurs de patriarches, et j’ai vu que la devise était : ordre et discipline ! L’époux est le chef, on le vénère et on le choie ; d’ailleurs, il y a dans chaque district et arrondissement une espèce de salle de police ou de maison de correction pour les épouses qui se montreraient acariâtres ou récalcitrantes. Un simple mot du mari au commissaire de police, et les policewomen viennent chercher l’épouse coupable pour la conduire à la Correctional House, où la solitude et les sermons des prédicateurs attachés à l’établissement l’induiront en de salutaires réflexions.

« Tout l’ancien système politique de l’Angleterre a été changé ; les lords étant partis dans les Indes à la suite de l’ancien gouvernement, la Chambre des lords est devenue la Chambre des évêques ; la Chambre des communes est restée, mais le système électoral a été profondément modifié,

« Voici sur quelles bases le cens électoral est établi :

Est électeur de paroisse le mari de 2 femmes.
d’arrondissement
4 femmes.
pour la Chambre haute
6 femmes.
Est éligible
8 femmes.

« Je viens d’assister à un meeting électoral à Chelsea, spectacle du plus haut comique. Les candidats sont sur une estrade, chacun avec ses épouses. Ces dames prennent part à la lutte oratoire, chantent les louanges de leur mari et abîment ses concurrents. Ce qui donne un intérêt palpitant à l’élection de Chelsea, c’est que la femme d’un candidat est une ancienne épouse divorcée d’un autre candidat (le divorce, bien entendu, est admis par l’Angleterre mormonne). L’épouse divorcée houspille avec fureur son ancien mari ; elle l’attaque d’abord dans sa vie politique, l’accusant d’hypocrisie, de vénalité, de tiédeur, et passe ensuite à sa vie privée. Le candidat riposte vigoureusement, ses épouses fidèles prennent part à la lutte… La joute oratoire dégénère bien vite en bagarre, ces dames se giflent et se dérangent quelques fausses nattes.

« Le soir, quand je rentre de mes promenades, M. Percival Douglas continue à me combler d’attentions et ses filles à me bourrer de gâteaux et de tasses de thé. L’aimable patriarche et ses épouses dévoilent de plus