Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/460

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l’ambassade danubienne, etc., etc. ; voici la gazette du sport, qui donne les portraits des cocodettes à la mode… »

Un certain mouvement sur la plage interrompit Philippe. Les cabines de bains venaient de s’ouvrir et des baigneuses descendaient en grand nombre à la mer.

« Non, les odalisques ne sortent plus voilées, reprit Philippe, et en voici la preuve. De jolis costumes de bain à la française ont remplacé le yachmak et le sac disgracieux, le costume de sortie d’autrefois. »

C’est Mme Yusuf bey.
C’est Mme Yusuf bey.

Le casino des bains donnait une grande fête le soir, on devait avoir concert et bal. Après une excursion au palais de la Roulette où l’on jouait avec fureur à tous les jeux connus, Philippe conduisit Hélène au bal du casino. La réunion était des plus brillantes. Comme devait le dire le lendemain le Stamboul-Figaro, tout le Constantinople gommeux et pincé était là ; les élégantes odalisques valsaient délicieusement et cotillonnaient avec verve.

Philippe continuait, pour l’instruction d’Hélène, à ouvrir des horizons nouveaux sur l’Orient moderne.

« Cette dame en jaune, assise là-bas avec ses trois filles, c’est la veuve d’un ancien ministre des finances mort dans la médiocrité : les finances turques sont si bas !… Trois jeunes filles à marier, c’est beaucoup ! La pauvre dame ne manque pas une réunion mondaine pour tâcher de trouver trois gendres, malheureusement les célibataires se défient !… Ce monsieur en habit est un prince circassien, il a mis ses poignards et ses pistolets au vestiaire avec son pardessus… Cette dame si décolletée, qui valse avec ce monsieur basané a nez crochu — un Kurde, je crois — c’est Mme Yusuf bey, dont le procès en séparation a fait beaucoup de bruit… l’année dernière. Yusuf bey voulait la poignarder ; c’est horrible, mais on lui a fait entendre raison et il s’est contenté de plaider… » Lorsque le cotillon, conduit par le vicomte Mohammed Chakir de Médine, descendant direct d’une propre sœur du Prophète, fut bien en train, Philippe conduisit Hélène souper dans un cabaret à la mode.

« Prenons un caïque au lieu d’un aérocab, dit-il, et gagnons par eau