Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/107

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mobilité un peu jaunie. Les robes aussi, toutes les anciennes toilettes pendaient dans les armoires, soies et popelines vidées de gestes.

Hugues voulait parfois les revoir, jaloux de ne rien oublier, d’éterniser son regret…

L’amour, comme la foi, s’entretient par de petites pratiques. Or, un jour, une envie étrange lui traversa l’esprit, qui aussitôt le hanta jusqu’à l’accomplissement : voir Jane avec une de ces robes, habillée comme la morte l’avait été. Elle déjà si ressemblante, ajoutant à l’identité de son visage l’identité d’un de ces costumes qu’il avait vus naguère adaptés à une taille toute pareille. Ce serait plus encore sa femme revenue.

Minute divine, celle où Jane s’avancerait vers lui ainsi parée, minute qui abolirait le temps et les réalités, qui lui donnerait l’oubli total !

Une fois entrée en lui, cette idée devint fixe, obsédante, roulant son grelot.