Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/146

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triste, craignant les regards, il marchait sans but, à la dérive, d’un trottoir à l’autre, gagnait des quais proches, longeait le bord de l’eau, arrivait à des places symétriques, attristées d’une plainte d’arbres, s’enfonçait dans l’écheveau infini des rues grises.

Ah ! toujours ce gris des rues de Bruges !

Hugues sentait son âme de plus en plus sous cette influence grise. Il subissait la contagion de ce silence épars, de ce vide sans passants — à peine quelques vieilles, en mante noire, la tête sous le capuchon, qui, pareilles à des ombres, s’en revenaient d’avoir été allumer un cierge à la chapelle du Saint-Sang. Chose curieuse : on ne voit jamais tant de vieilles femmes que dans les vieilles villes. Elles cheminent — déjà de la couleur de la terre — âgées et se taisant, comme si elles avaient dépensé toutes leurs paroles… Hugues les remarquait à peine, marchant au hasard, trop absorbé