Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/213

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de plus en plus lui paraissait vraisemblable, saisie de crainte et d’une vraie panique maintenant, se décida à tout risquer pour n’être pas prise au dépourvu, et elle reprit :

— N’est-ce pas une dame peut-être que monsieur attend ?

— Barbe ! fit, d’un air étonné et un peu sévère, Hugues, en la regardant.

Mais elle, sans broncher :

— C’est que j’ai besoin de le savoir d’avance. Car si c’est une dame que monsieur attend, je dois prévenir monsieur que je ne pourrai pas servir son dîner.

Hugues fut abasourdi : est-ce qu’il rêvait ? est-ce qu’elle devenait folle ?

Mais Barbe, énergique, répéta qu’elle allait partir ; elle ne pouvait pas ; on l’avait déjà prévenue ; son confesseur le lui avait commandé. Elle n’allait pas désobéir, apparemment, se mettre en état de péché mortel — pour mourir de mort subite et tomber dans l’enfer.