Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/214

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Hugues d’abord ne comprenait rien ; peu à peu il démêla la trame obscure, les racontars probables, l’aventure ébruitée. Donc, Barbe aussi savait ? Et elle menaçait de s’en aller parce que Jane allait venir ? Elle était donc bien méprisée, cette femme, pour que l’humble servante, liée à lui depuis des années par l’habitude, son intérêt, les mille fils que chaque jour dévide et tisse entre deux existences côte à côte, préférât tout rompre et le quitter que de la servir un jour ?

Hugues demeura sans force, ahuri, le ressort cassé devant ce brusque ennui qui ruinait d’une façon si imprévue le projet riant de cette journée et, d’un air résigné, il dit simplement :

— Eh bien ! Barbe, vous pouvez partir tout de suite.

La vieille servante le considéra et soudain, bonne âme populaire, tout apitoyée, comprenant qu’il souffrait — avec, dans la voix, ce chantonnement que la Nature